Pour la plupart des féministes, la réponse va de soi : c’est la faute aux discriminations contre les femmes et à l’influence sournoise du patriarcat agonisant. En un certain sens, c’est déjà un élément de réponse… Donner des explications toutes faites et non vérifiées à des problèmes qu’on ne se donne pas la peine d’étudier, ce n’est pas une attitude propice à faire une belle carrière de scientifique, d’ingénieur ou de mathématicien. Si un chercheur en mal de sujet passe par ici, je suggère qu’il examine une possible corrélation inverse entre l’adhésion à l’idéologie féministe et l’obtention d’un diplôme en science — il y a peut-être un bon papier à la clef.
Il se trouve qu’il existe déjà une étude approximativement dans cette veine, commise par deux chercheurs en psychologie :
L’une des principales conclusions de cette étude est que, paradoxalement, les pays où les niveaux d’égalité des sexes sont les plus faibles ont relativement plus de femmes parmi les diplômés des STIM [NdT : Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques] que les pays où l’égalité des sexes est plus grande. Il s’agit là d’un paradoxe, car les pays où l’égalité des sexes est respectée sont ceux qui offrent aux filles et aux femmes davantage de possibilités d’éducation et d’autonomisation et qui encouragent généralement l’engagement des filles et des femmes dans les domaines des STIM.
Gijsbert Stoet & David C. Geary, « The Gender-Equality Paradox in Science, Technology, Engineering, and Mathematics Education », 2018
Comment Gijsbert et David parviennent-ils à ce constat ? En comparant diverses variables et particulièrement celles-ci :
• L’indice mondial de l’écart entre homme et femmes publié pour chaque pays par le Forum économique mondial, qui synthétise situation économique, scolarité, santé et représentation en politique.
• Le pourcentages de femmes diplômées dans les sciences, technologies, ingénierie et mathématiques.
Pour mieux voir le rapport entre (in)égalité et implication des femmes dans les STIM, j’ai fait un peu de coloriage sur le graphique présenté par nos deux chercheurs. J’ai mis les pays d’Europe du nord et du centre en bleu, les pays méditerranéens en jaune, les pays d’Europe de l’est en rose et les pays du Maghreb et du Moyen-Orient en vert. (Oui, je sais, la France est aussi un pays méditerranéen — c’est même trois ou quatre pays en un et l’on ne sait toujours pas comment ça tient, mais il y a au moins consensus sur une chose : Paris est au nord de la Loire.)
Et bien, avec les couleurs tout devient très clair : les femmes qui ont le plus de liberté ne choisissent pas les STIM — ça les ennuie sans doute. Par contre, les filles des pays musulmans ont l’air rudement motivées à obtenir un statut professionnel hautement respecté. Les méditerranéennes et les européennes de l’est sont entre les deux, surtout quand leur pays est plutôt inégalitaire.
Bien sûr, comme David et Gijsbert sont des gens plus sérieux que moi, ils donnent une explication nuancée :
Indépendamment des niveaux absolus de performance, les garçons ont en moyenne des points forts en sciences et en mathématiques, et les filles des points forts en compréhension de l’écrit. Ainsi, même lorsque les résultats absolus des filles en sciences étaient supérieurs à ceux des garçons, comme en Finlande, les garçons étaient souvent meilleurs en sciences par rapport à leur moyenne générale. De même, les filles peuvent avoir obtenu de meilleurs résultats que les garçons en sciences, mais elles sont souvent encore meilleures en lecture. Il est essentiel de noter que l’ampleur de ces différences entre les sexes en matière de forces et de faiblesses scolaires personnelles est fortement liée à l’égalité des sexes au niveau national, les différences étant plus importantes dans les pays où l’égalité des sexes est plus grande. […]
Nous avons également constaté que les garçons exprimaient souvent une plus grande auto-efficacité [NdT : confiance en ses capacités], plus de joie dans les sciences et un intérêt plus large pour les sciences que les filles. Ces différences étaient également plus importantes dans les pays où il y a plus d’égalité entre les sexes et étaient liées à la réussite scolaire personnelle des élèves. […]
Quels que soient les processus qui exagèrent ces différences entre les sexes, ils sont atténués ou annulés dans les pays où il y a moins d’égalité entre les sexes. L’une des raisons possibles est qu’une carrière bien rémunérée dans les STIM peut sembler être un investissement dans un avenir plus sûr.
Voilà, c’était la version nuancée. Celle du psychologue Steven Pinker est que « Les hommes sont plus intéressés par les choses, les femmes sont plus intéressées par les gens. » La mienne, c’est que les occidentales sont de grosses feignasses pourries-gâtées. Faites votre mélange comme vous préférez et laissons ce pauvre patriarcat reposer en paix sans lui imputer toutes les frustrations du monde occidental actuel, si libre, si riche… et si pitoyable.