Je suis tombé hier sur un bref entretien télévisé avec Warren Farrell, un célèbre chercheur en sciences politiques américain, à propos de son livre The Boy Crisis. Dans ce livre, Warren montre que le principal facteur conduisant les garçons à l’échec éducatif, le chômage, la drogue et la violence est le manque de relation paternelle.
J’étais au conseil d’administration de l’Organisation Nationale des Femmes [National Organization for Women] à New York — c’était dans les années 70, j’étais jeune, je ne savais pas grand-chose — et je parlais dans le monde entier de l’importance du féminisme. Des enseignantes venaient souvent me voir et disaient : « Vous savez, dans ma classe, les garçons ont plus de problèmes que les filles. »
Ma sœur était enseignante et j’ai commencé à lui en parler. Elle m’a dit : « Je vais me pencher sur la question. » Et elle m’a dit : « Tu sais, il se passe souvent quelque chose comme : “ce garçon, il a commencé à décliner, il était très motivé avant, maintenant il n’est plus motivé, il ne répond plus”. » Elle se mettait à examiner la vie du garçon : ses parents venaient de divorcer et le père n’était plus là. Et ce schéma se répétait. Alors, j’ai commencé à m’y intéresser, et j’ai découvert… Lorsque j’ai commencé à faire des recherches pour The Boy Crisis, j’ai d’abord présenté à mon éditeur dix causes de la crise des garçons que j’avais identifiées. Mais en fait, chaque fois que j’avais identifié une cause, elle était assez importante, mais elle n’était importante que s’il n’y avait pas de père dans la famille. Ainsi, par exemple, lorsque ces garçons ont été élevés par une mère célibataire et qu’ils sont allés dans une école presque exclusivement féminine, cela les conduits vraiment à manquer de modèles masculins. Ils ont ensuite été attirés par des chefs de gangs, comme famille de substitution et comme modèles masculins, ou par des trafiquants de drogue, ou par d’autres comportements destructeurs, vous savez, ou par des recruteurs de l’État islamique. J’ai donc commencé à me pencher sur la question et j’ai constaté que 85 à 90 % des auteurs de massacres avaient deux choses en commun : ils étaient des hommes et ils étaient également privés de père. J’ai commencé à rassembler les pièces du puzzle.
« What led to the writing of The Boy Crisis? Warren’s Personal Story », Just the News, Real America’s Voice
Tandis qu’il assemblait le puzzle, Warren entreprit de faire son devoir de chercheur en communiquant ses trouvailles au public. Mais ses copines féministes ne reçurent pas ses découvertes avec beaucoup d’enthousiasme…
Je suis allé au conseil féministe de NOW à New York et j’ai dit : « Vous savez, il se passe quelque chose là. La privation de père est une chose importante. » Et la réponse que j’ai reçue était un silence total, façon « Vous êtes de notre côté ou pas ? » J’ai dit : « J’espère que nous sommes tous du côté des enfants. » […] Elles ont dit : « Vous admettez vous-même que la recherche n’en est qu’à ses débuts. Nous n’avons pas vraiment de bonnes données longitudinales. Alors, Warren, pourquoi ne pas aller regarder un peu plus attentivement et voir si vous voulez vraiment arriver à cette conclusion que les pères sont si importants. » Alors j’ai dit : « Quel est le problème ? Pourquoi êtes-vous si résistantes à l’idée que les pères soient si importants ? » Et elles ont répondu : « Parce que nos membres de NOW disent que si elles obtiennent un divorce, elles veulent que l’option soit… Elles pensent qu’elles savent ce qui est le mieux pour les enfants. Elles veulent avoir l’option de pouvoir déménager dans un autre État, avec un autre petit ami, et d’oublier les erreurs du passé. »
Puis j’ai dit : « Qu’y a-t-il d’autre ? » Et elles ont dit : « Eh bien, il y a beaucoup de femmes maintenant qui veulent avoir des enfants toutes seules sans être mariées. » Alors j’ai dit : « Donc, vous dites que le mariage n’est pas important ? » Et elles ont répondu : « Eh bien, nous voulons qu’elles puissent avoir le choix. » « Donc quand une femme a des enfants, vous vous souciez plus de son droit de faire les enfants comme elle le veut que de la façon dont les enfants grandissent ? » Et c’était le silence, et je voyais… Le commentaire le plus direct était : « Vous savez, vous gagnez beaucoup d’argent en parlant dans le monde entier au nom de la cause des femmes. Et qui croyez-vous qui vous recommande tout le temps ? » Et donc, j’ai su que j’avais un choix à faire, que je pouvais soit faire des recherches sur la crise des garçons d’une manière qui conduise à un ensemble de conclusions aussi honnêtes que possible…
Quand je l’ai fait, j’ai trouvé que l’implication du père était non seulement importante, mais importante pour les filles autant que pour les garçons, et cela dans plus de cinquante points clefs du développement de l’enfant. Et j’ai commencé à chercher ce qui, dans l’implication du père, est vraiment si important. J’ai commencé à voir que le style du père et le style de la mère sont très différents : les pères sont beaucoup plus susceptibles de chahuter, les mères sont beaucoup plus susceptibles de dire : « Fais attention ! », vous savez, « Quelqu’un va finir par pleurer ! », et « Quelqu’un va finir par se faire mal ! », « Ne va pas trop loin ! » Mais je n’ai jamais entendu un père dire à la mère : « Tu sais, quand on chahute les enfants, on leur apprend à s’affirmer plutôt qu’à être agressifs. Nous leur apprenons à penser aux besoins de leurs frères et sœurs. » Aucun père ne le savait. J’ai donc réalisé que je devais faire la différence, dans le livre The Boy Crisis, entre l’éducation « à la papa » et l’éducation « à la maman ».
Je ne pouvais pas non plus blâmer les mères, car elles ne peuvent pas entendre ce que les pères ne disent pas. Les pères ne disaient pas que ce qu’ils faisaient apportait beaucoup à la famille. Et j’ai fini par me rendre compte que les enfants qui s’en sortaient le mieux étaient ceux qui avaient reçu ce que j’appelle une éducation avec un « équilibre des pouvoirs ».
Warren Farrell est décidément un brave homme : même après que les militantes de NOW lui ont jeté à la figure qu’elles préféraient exclure les pères de l’éducation de leurs enfants — voire les hommes de la procréation — quelles qu’en soient les conséquences sur leurs enfants, il persiste à ne pas vouloir « blâmer les mères ». Il a cependant eu le courage de poursuivre et publier ses recherches, malgré les menaces de rétorsion économique qu’elles lui ont adressées. De cela, nous pouvons lui être grandement reconnaissant. Souhaitons qu’à force de creuser le sujet il parvienne à se dessiller, et réalise qu’il ne peut y avoir un « équilibre des pouvoirs » entre les sexes.
Les stratégies reproductives du féminin et du masculin sont irréductiblement divergentes. Si le féminin peut obtenir le matériau génétique masculin, puis l’approvisionnement et la protection de sa progéniture, sans obligation de réciprocité et de fidélité, alors le père n’est, au mieux, que toléré par la mère et son pouvoir dans la famille est nul.
Quant au masculin il peut avoir deux attitudes vis-à-vis de la reproduction. La première est de s’en foutre, copuler si l’occasion se présente en laissant un faux nom et un faux numéro, ou à défaut se consoler de sa solitude avec la pornographie. L’autre est de fournir au féminin la protection et l’approvisionnement recherchés, en échange de l’assurance que la progéniture soit bien celle du père de famille. Cela suppose de restreindre le droit des femmes a décider seule de la reproduction humaine, et de reconnaître le rôle économique supérieur des hommes dans leur famille et dans la société. Soit les femmes ont le pouvoir, soit les hommes l’ont, et ce que montre Warren Farrell à son insu, c’est que la seconde option fonctionne mieux que la première.