Point de vue, février 1998
Il y avait du monde, ce samedi 14 février, à la sortie de l’église Saint-Jean-Baptiste de Neuilly-sur-Seine pour applaudir la mariée, Marie Delcourt et son compagnon de longue date, et maintenant époux, le réalisateur Alain Barthélémy.
Parmi l’assemblée, Jean-Paul son précédent mari et Pauline leur fille, accompagnée de ses trois fils, leurs trois pères et de son nouveau compagnon, le comédien Joseph Benmergui.
La noce est ensuite allée déjeuner chez le couple en toute intimité.
— Laurent Colin
Télérama, juin 1998
A tribute to Paula-X, « Noise Trip »
C’est un disque classique et hors normes. Classique car, à ce stade de sa carrière, un groupe de cette envergure se doit d’avoir un album tribute dans sa discographie. Chose que les membres de Paula-X ont toujours refusée, par manque d’intérêt, mais aussi par un montage légal original du groupe qui possède les droits exclusifs sur toutes les étapes du processus de création, bloquant ainsi toutes initiatives du genre. « Écrivez vos chansons, jouez votre musique » déclarait Paula Zingermann en ouverture de leur concert des Francofolies. Alors, pourquoi avoir changé d’avis ?
Il y a deux ans, Paula-X reçoit une cassette contenant un remix du titre : « Héros immobiles », réalisé par un artiste moscovite, Sergueï Azarov dont l’écoute les persuade de revoir leur position. Ils se décident à lancer un appel d’offre, écoutant patiemment des heures de musique, à l’aveugle, sans considération d’origine, un principe : Tout le monde peut participer. Là, où le groupe va intelligemment jouer sa partition, c’est la possibilité offerte aux candidats de travailler à partir des sources, les enregistrements, piste par piste, du répertoire.
Un résultat étonnant, détonnant. « Cette expérimentation nous éclaire sur les limites du rock, à commencer par sa forme archétypale — guitare, basse, batterie — son énergie éruptive, effervescente. Dans l’acceptation que nous en avons, notre musique est la bande-son d’un monde à l’agonie. Confrontée aux outils informatiques, à la philosophie de partage des réseaux, notre musique franchit une nouvelle frontière. « Un disque a deux auteurs et notre public est le second. »
Rouge, juin 1998
A tribute to Paula-X, « Noise Trip »
« Les bonnes idées sont comme les déchets, elles se recyclent » prétend une industrie du disque soumise à ce même phénomène indésirable et pourtant intrinsèque : la baisse tendancielle du taux de profit.
Aidé par une technologie débordante, l’Ancien Monde se veut renaître à chaque génération, Phœnix parasite et bourgeois, il se repaît du sang et de la sueur des autres, les serfs, les faibles, les artistes. Il les incorpore, les avale, les métabolise, insatiable enfant Moloch, la machine a faim !
Comment comprendre cet album de Paula-X ? Le groupe prétendait hier ne jamais se commettre dans une telle entreprise. C’était sans compter sur les forces souterraines de l’Histoire, la lutte éternelle de ceux qui possèdent contre ceux qui doivent se vendre pour survivre. Les premiers accumulent, gestionnaires avisés de leur héritage, les seconds se dépensent sans compter pour se maintenir à flot.
Pouvions-nous croire le discours adressé, main sur le cœur, aux dirigeants des maisons de disque par Paula-X aux victoires de la musique : « Nous ne sommes pas du même monde ! » Car force est de constater, messie ironique, il n’y en a pas d’autre que celui de la lutte des classes. Nous avons pour nous la force de mille bras vigoureux contre les propriétaires, châtelains de l’ordre infâme, et de leurs nervis. Qu’ils se rassurent, nous savons où les trouver !
Closer, juin 1998
Pauline Delcourt donne naissance à son quatrième enfant et s’envole pour Saint-Barth avec le père de son fils. Au programme, bronzage, shopping et soirées dansantes en compagnie de Johnny Hallyday et sa nouvelle compagne Lætitia. De quoi se poudrer le nez facilement pour Pauline, dont la consommation ne semble plus être sous contrôle, quoiqu’elle en dise.
Le comportement de l’actrice est de plus en plus problématique — on se souvient du paparazzi agressé le mois dernier en marge du festival de Cannes — esclandres, coups et insultes, Pauline, le teint blafard, trouvée endormie et nue dans la baignoire d’un « ami », chambre d’hôtel mise à sac, pole-dance torride avec l’équipe de techniciens jusqu’à l’embauche d’un préposé aux chewing-gums usagés de la star.
Mais est-elle cette célébrité dont elle mime les éclats ? Pauline Delcourt, fille d’un grand acteur, figure du cinéma français et d’une réalisatrice chanceuse d’avoir épousé un nom, ne veut plus du costume, elle ne veut plus apprendre des dialogues qu’elle ne comprend pas. Les actrices américaines gagnent plus avec moins de mots. Pauline veut les excès et les salaires d’Hollywood. Capable de commettre les pires outrances, il ne se trouve pourtant aucun financier pour investir. De là ses colères, encore un Mozart de téléfilm que l’on assassine.
— Laurent Colin
« Paula-X, cette inconnue »
Projet pour une biographie
Paula n’avait, à 16 ans, qu’une question : Quand et où ? Quand fera-t-elle enfin l’amour. « Où » n’était qu’une question de circonstances. Ses copains l’avaient fait, prétendaient-ils et elle les croyait. Victor affirmait que la première fois était dans un train, en direction de Berlin. Antoine avait une relation régulière avec une femme plus âgée que lui et Valentine… Valentine partageait avec ses trois copains le secret de ses amours homosexuelles.
Les quatre étudiants s’étaient rencontrés au collège des Quatre-Moulins, dans le quartier de Recouvrance, sur la rive droite de la Penfeld. Ils s’étaient suivis en seconde, au lycée Dupuy-de-Lôme avant d’être séparés par le conseil de classe du troisième trimestre. Victor est allé en première scientifique, Antoine en première économique, Paula en A3, les littéraires avec une option fumiste et Valentine… Valentine est restée en seconde.
Il s’est fait, sans que personne ne le remarque, que les quatre copains ont espacé leurs rencontres. L’année avançant avec l’urgence des épreuves de Français, il se passait des semaines sans qu’ils ne se voient. Ils avaient l’habitude de se retrouver dans un bar de la rue de Siam pour défaire le monde et pour le boire. Le bar Le Témy, c’était son nom. Ils disaient le Barthélémy. En mai, Valentine s’avisa qu’ils ne s’étaient pas vus depuis le mois de mars. En dehors du quart d’heure réglementaire à la pause de 10 h 00, en dehors de quelques instants volés à la sortie des cours, Valentine, Antoine, Victor et Paula ne se voyaient plus. C’est Victor qui a proposé, à moins que ce soit Antoine, de se retrouver le mardi 8 mai. « C’est férié » a dit Valentine. « Justement, a répondu Paula, la moins sérieuse, la veille c’est mieux. »
Le patron du Barthélémy, quand il les a vus revenir, à offert la première tournée. Il a dit « salut les merdeux ! » et il a posé quatre demis sans faux cols de Pelforth-fraise pression, sa spécialité. À la troisième tournée, les copains riaient fort. À la cinquième Valentine les régalaient de ses théories les plus fumeuses. À la huitième, Victor dit : « Et si on montait un groupe ? » Les autres ont hurlé « d’accord ! » puis Paula a dit : « Un groupe de quoi ? » Bonne question. « Un groupe de musique ! » a dit Victor, « sauf qu’on sait pas jouer » a dit Antoine. « On a qu’a faire du punk ! a dit Valentine ». À la dixième tournée le groupe s’appelait Virus, groupe à risque. À la onzième ils avaient décidé qui jouerait quoi : Antoine la basse, Valentine la batterie, Paula le chant et Victor la guitare. À la quinzième tournée ils avaient écrit cinq chansons, assez pour faire un concert.
La semaine suivante ils avaient tout oublié. Pas Valentine, en seconde, qui n’avait pas d’examen à préparer. Chaque année ses parents organisaient une fête de quartier. Cette année ils pensent à un groupe de musique pour animer le repas. Valentine saute sur l’occasion et se propose. Des groupes de légendes se sont fait avec moins. Valentine suit l’exemple de son quartet préféré : The Ramones, d’authentiques incompétents qui ont su créer un style historique avec trois accords. Valentine appelle Antoine, le plus avide de gloire. Antoine dit oui et appelle Paula. « C’est l’affaire d’un quart d’heure, comme le succès » lui dit-il, mauvais vendeur, « C’est la célébrité qui dure un quart d’heure, la honte dure beaucoup plus longtemps » lui répond Paula, la plus circonspecte des quatre. Paula appelle Victor qui est déjà au courant. « J’ai trouvé un studio. » Victor est le plus débrouillard, « Les Korova Milkbar nous prêterons leurs instruments. » Korova Milkbar est un groupe de filles du lycée. « On commence quand ? »
Les premiers pas furent ceux d’un nouveau né, et comme tels, ils n’émeuvent que les parents. « Un brouillard de bruit » dira Paula des années plus tard en interview. De ce premier concert, les quatre amis comprennent deux choses ; d’abord que pour jouer du punk il faut boire beaucoup de bières. Mais il faut aussi que le public boive beaucoup de bière. Dès lors, Virus, groupe à risque, ne jouera toujours que très tard le soir et très imbibé, avec ce slogan : « Valstar, la bière des stars ! »
— Laurent Colin