— Alors, Gabi et moi, on s’est dit : l’oppression hétéro-patriarcale, la charge mentale, le coût du couple hétérosexuel, tout ça… On n’en peut plus. Et si on se mettait ensemble, genre, toutes les deux ?
— Voilà, on invente une nouvelle façon d’aimer. N’est-ce pas ma Juju ?
— On a tout de suite senti la différence. Sans homme à la maison, il y a moins de tâches domestiques. Nous avons donc renvoyé tous nos valets.
— Nos servantes ont pu travailler dans une atmosphère plus respectueuse des femmes, sans craindre un coup de masculinité toxique, comme ça, entre deux portes. Elles ne sont plus distraites de leur labeur.
— Mon mari reste en son château, et moi j’ai le mien. Cela préserve notre mariage et lui laisse tout son temps pour vaquer à nos affaires. Gabi, fais-moi penser que je dois lui écrire pour mes rentes qui ont du retard…
— Cet espace de non-mixité est un petit paradis ! Comme je suis impatiente d’y recevoir mon Henri et lui conter nos trouvailles.
— Quelle chance tu as d’avoir les faveurs du Roy…
— Et bien, ma Juju, tu t’ennuies donc sous mes caresses ?
— Non point, ma chère sœur. Mais tout de même, un petit coup de braquemard royal, de temps en temps, cela me mettrait en joie moi aussi.
Illustration : Gabrielle d’Estrées et l’une de ses sœurs, École de Fontainebleau, 1594