— Ô Nyssia, mon Amour ! Ma Déesse ! Mon Unique ! Comme je me réjouis d’être ton mari.
— As-tu fait les courses, chouchou ? Et la lessive ? Et collé les affiches que je t’ai données ?
— Le garde-manger est plein, mon Ange. Le linge est étendu et j’attaque le repassage dès qu’il est sec. Toutes les affiches de ton collectif féministe ont été soigneusement collées dans les rues les plus passantes. Ensemble, nous vaincrons le patriarcat !
— La peau de lion est pleine de poussière. Elle n’a pas été battue depuis longtemps. Veux-tu que je batte la tienne pour te montrer comment on fait ?
— Pardon, mon Soleil ! J’ai manqué ce détail. Je ne suis qu’un homme qui lutte encore pour se déconstruire des schémas de domination de genre.
— Tes jouets guerriers ont terni depuis qu’ils sont accrochés au mur. Il faudra les briquer jusqu’à ce qu’ils brillent. Tu sais quoi faire demain.
— Ce sera fait mon Miel. Mon bouclier sera comme un miroir pour accueillir ton reflet sublime !
— Bien. Maintenant laisse-moi, mon amant arrive.
— Ô mon Adorée, je voudrais tant rester vous regarder…
— Candaule chéri, je n’en ai pas envie ce soir.
— Mais au début nous aimions cela tous les deux.
— Et bien justement, quand tu es là Gygès bande moins dur. Il se modère et n’ose plus me tirer par les cheveux comme j’aime.
— Si je puis aider en tirant respectueusement ta chevelure…
— Ça ne me fait pas du tout le même effet quand c’est toi. Va t’en dans la chambre d’ami, et n’en sors pas avant demain.
— Oh, comme tu me fais souffrir ! Plus d’un mois sans jouir, je n’en puis plus… Mon sceptre ne dégonfle plus, je peine à aller pisser. Ne veux-tu pas me soulager de ta douce main, vite fait, avant qu’il n’arrive ?
— Ce n’est pas le jour, tu le sais bien.
— Mais le mois dernier nous avons laissé passer le jour ! C’est pour cela que je n’ai plus ma tête, ô Reine de ma vie. Deux mois, c’est trop long.
— J’étais en voyage, mais ce n’est pas une raison pour changer nos règles.
— Je t’en supplie mon Aimée, rien qu’une petite léchouille !
— Mais qu’est-ce qui te prend Candaule ? Quelle insistance ! C’est la masculinité toxique qui te reprend ?
— Pardon mon Cœur…
— Je ne veux même pas imaginer quelles pensées lubriques bouillonnent sous ton crâne de macho, dont je suis l’objet sans y avoir consenti ! Je me sens violée !
— Pardon ! Pardon !
— Dans la chambre d’amis tout de suite ! Les couilles dans l’eau glacée, interdiction de te tripoter. Tu méditeras toute la nuit sur l’avenir d’égalité et d’amour que tu empêches d’advenir. Rustre misogyne !
— Ah, je le ferai, mon Astre. Je ferai tout pour toi. Vois, je m’agenouille et souhaite à toi et mon cher Gygès une nuit d’amour inoubliable. Ô Nyssia, que ton plaisir soit aussi fort que ma frustration. Ô Gygès, que ton éjaculation soit abondante comme la voie lactée entre les lunes de ma femme, puisque je n’en suis pas digne. À demain, mon Aube blonde ! J’irai vous chercher des croissants.
Illustration : Le Mythe du roi Candaule, par Charles-Désiré Hue, 1864