Désolée, mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une violence domestique. C’est un homme, il peut riposter et me mettre hors d’état de nuire mais il a choisi de me laisser faire, du coup il est consentant. Il aime ça, sans doute. Il le fait exprès. Chaque soir, quand je le vois passer la porte, j’ai envie de le cogner. Son air malheureux, soumis, implorant… Ah, il faut que je me défoule ! Pan ! Un coup dans les mollets. Je lui hurle : « Tu es en retard. » Il se répand en excuses. Pan ! Mon thyrse fait craquer son dos. Il gémit. J’enrage : « Le vin, imbécile ! Il n’y en avait plus qu’une bouteille ! » Je lève à nouveau le thyrse. Il se recroqueville, tente de protéger sa tête. « Pardon Agavé, pardon ! Je vais tout de suite en chercher. » Alors je me déchaîne : je fais pleuvoir une grêle de coups. Je l’accule dans un coin de l’entrée. Le sang tâche le mur. J’ai chaud. Une crampe m’arrête. Je me découvre une ampoule — ma pauvre main ! J’ai soif. Je laisse le minable jeté sur le sol comme une serpillière. Je claque la porte : direction Dionysos, mon caviste préféré ! Je boirai jusqu’à oublier mon dégoût. Qu’ai-je fais pour mériter de vivre avec un sous-homme ? N’y a-t-il personne capable de me dompter ?
Illustration : Jeune bacchante avec un thyrse, par Max Nonnenbruch, 1899