Moi, depuis que je parle de mon asexualité, je réalise qu’il y a des personnes asexuelles partout. Par exemple, ici, dans le harem, la plupart des eunuques sont asexuels. Parfois ils ne s’en rendent pas compte. D’autres le savent mais ne se sentent pas prêts à mettre un mot dessus, et d’autres l’assument mais ne le disent à personne. Mais en parler à des proches, ça fait toute la différence. Moi, ça m’a vachement aidé.
Quand j’ai découvert le mot « asexuelle », j’ai été hyper soulagée. Parce que je me suis dis : « Waouh ! Je ne suis pas la seule à ressentir ça. C’est quelque chose que plein de gens ressentent, il y a même des gens qui en sont fiers. » Et en même temps, j’étais complètement paniquée, parce que je me disais : « Mais si je n’arrive pas à être attirée sexuellement, je vais finir célibataire et tout le monde va trouver que je suis hyper bizarre. » Et là, les eunuques me rappelaient que j’étais juste une odalisque de troisième rang que le Sultan ne regarde jamais, alors personne ne trouvera bizarre que je n’ai pas de rapports sexuels. Comme quoi, ça aide vachement d’être entourée d’autres gens asexuels.
C’est presque plus qu’une orientation sexuelle. C’est plus une sorte d’outil qu’on peut prendre ou laisser tomber. On peut se dire à un moment : « Bon ben, moi, là, maintenant, je me considère asexuelle. C’est ce dont j’ai besoin en ce moment pour expliquer aux gens, plus simplement, comment je me situe dans la vie. Pour moi, me comprendre, pour me sentir moins isolée. Donc c’est pas parce que là, maintenant, vous êtes asexuel, que vous n’avez plus jamais le droit de ressentir quelque chose (sauf les eunuques, bien sûr). Peut-être que ça changera, ou peut-être que vous trouverez un autre mot qui vous conviendra mieux. C’est vraiment un outil et on est libre. C’est ce qu’on veut et c’est censé nous aider. Ce n’est pas censé nous bloquer dans des cases. Voilà, c’est… pfff… On se libère.
Illustration : Albaydé, par Alexandre Cabanel, 1848