L’Effrontée du mois de septembre 2025 : Elisabeth

Comment dites-vous ? Je suis « mid », c’est ça ? Cent prétendants me faisaient dix mille compliments en mon temps. Comme les mœurs changent…

Trop de joues ? J’ai bonne mine pourtant. En pleine santé, bien nourrie, aimable à regarder, si douce sous la caresse.

Je manque de piquant ? Mais quelle drôle d’idée ! Je suis une femme, pas un cactus. Que voudriez-vous que je fasse pour avoir du… piquant, comme vous dites ?

Un tatouage ? Ah, ça… Vous me stupéfiez ! Vous aimez donc les bagnards ? Est-ce ainsi que l’on aime chez vous ? En préférant le mal à la vertu ? En fuyant la santé ? En convoitant l’étrangeté ? Vous devez vivre une bien singulière époque !

Tout de même… Quelque chose de ma personne doit trouver grâce à vos yeux, n’est-ce pas ? Cette chevelure si brune, songez comme elle s’écoule sur la blancheur de mon dos quand je la dénoue dans le secret de ma chambre. Cette nuque frissonnante, sensible au souffle et au regard d’un homme. Cette poitrine menue, formant deux petites poires pointues quand je la libère le soir venu. Et ces hanches… ne me dites pas qu’elles vous laisseraient indifférent si je vous invitais dans mon boudoir, pour converser courtoisement en pensant tout comme vous à des choses indicibles.

Un peu de fard, des épingles à cheveux, une robe rouge et de l’esprit, voilà mes seuls accessoires pour être piquante. Cela m’a suffit pour plaire et être aimée, et ravir le peintre qui fit mon portrait.

Je plains les femmes de votre siècle. Faut-il pour avoir du piquant qu’elles se percent d’aiguilles comme les ermites des Indes, se passent un anneau dans le nez comme le bétail et se couvrent la peau de gribouillages comme les murs des pissotières ? Ne me dites pas… Si ?

Illustration : Portrait d’une jeune femme, par Eduard Friedrich Leybold, 1824

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