Les femmes mentent-elles sur leur orientation sexuelle ?

Après avoir constaté que les femmes mentent sur leur nombre de partenaires sexuels, poursuivons notre lecture des « Premiers résultats de l’enquête Contexte des sexualités en France 2023 », et abordons flegmatiquement la question si contemporaine de l’orientation sexuelle. Voici un échantillon de la prose de l’INSERM :

En 2023, 1,3 % des femmes et 2,3 % des hommes de 18-89 ans définissent leur sexualité comme homosexuelle, 2,8 % des femmes et 2,3 % des hommes se disent bisexuels et 1,5 % des femmes et 0,6 % des hommes se considèrent pansexuel·les. Ces identifications non hétérosexuelles sont plus fréquentes chez les 18-29 ans, où 2,6 % des femmes et 3,2 % des hommes se considèrent homosexuel·les, 9,6 % et 4,3 % bisexuel·les et 3,1 % des femmes et 1,1 % des hommes pansexuel·les.

Vous avez tout compris ? Moi non plus. Hétérosexuel, je vois : c’est avoir des partenaires sexuels de l’autre sexe. Homosexuel, c’est avoir des partenaires du même sexe. Et bisexuel c’est avoir les deux. Mais « pansexuel·le » ? Une sexologue québécoise répond à notre interrogation :

La pansexualité, c’est le fait d’être attiré·e amoureusement et/ou sexuellement par une personne, sans égard à son genre ou son sexe. Donc, on tombe en amour et/ou on est attiré·e avant tout pour la personnalité de quelqu’un.

Myriam Daguzan Bernier, « Bisexualité et pansexualité : c’est quoi la différence ? », 2020

Clair ou pas ? Sans doute pas, car Myriam nous précise :

Mais… c’est un peu plus complexe que ça. Et c’est un sujet délicat, parce que tout le monde ne partage pas la même vision des choses.

Ce que je comprends, c’est que les eunuques aveugles peuvent être pansexuels. Les autres, je suis moins sûr. Mais revenons à l’enquête CSF 2023 : comme les pâtés de texte lardés de chiffres et « d’écriture inclusive » sont assez pénibles à lire, j’ai mis les données en graphique.

Déclarations d'orientations sexuelles selon l'enquête CSF 2023

Malgré la volonté des sociologues de l’INSERM d’inclure des catégories surprenantes telles que « pansexuel » ou « éprouvant une attirance pour une personne de même sexe », elles semblent avoir oublié des catégories qui me semble tout aussi passionnantes, telles que : « éprouvant une attirance pour l’autre sexe », « se définissant comme hétérosexuel », « uniquement des partenaires de l’autre sexe » et « aucun partenaire, toujours puceau ». Hélas, on ne peut pas les déduire par soustraction des catégories que préfère l’INSERM. Pour la prochaine enquête, je suggère à l’INSERM d’ajouter également : « éprouve une attirance pour une autre espèce », « a déjà eu au moins un partenaire d’une autre espèce », « se définit comme zoosexuel ». D’un point de vue épidémiologique, ce serait beaucoup plus intéressant que de savoir si des gens baisent par attirance physique ou juste pour la personnalité tellement excitante de leur partenaire. Comme dans le billet précédent, je m’interroge sur l’intérêt pour l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale de prendre au sérieux des chiffres détachés de ce que les gens font effectivement de leur corps. Il y a loin de la parole à l’acte, même les chiffres de l’enquête le montrent :

  • 32,3 % des femmes de moins de trente ans auraient éprouvé une attirance homosexuelle, mais seules 14,8 % auraient eu au moins une partenaire de galipettes ? Qu’est-ce qui retient celles qui se disent attirées mais n’essayent pas ? Certainement pas l’idéologie de leur époque.
  • 2,6 % des femmes de moins de trente ans se définissent comme lesbiennes, mais seules 1,3 % ont eu uniquement des partenaires de leur sexe. Pourquoi pas ? On peut essayer toute sorte de choses, n’est-ce pas ? Sauf que chez les hommes de moins de trente ans l’écart est beaucoup plus faible : 3,2 % se définissent comme gays, 2,7 % n’ont eu que des partenaires masculins. Cela fait 84 % de gays sachant exactement ce qu’ils aiment, mais seulement 50 % de lesbiennes sûres de leur préférence.

Cela n’empêche pas l’équipe de l’INSERM de déclarer triomphalement :

En considérant les recoupements entre pratiques, attirance et identification, on observe que plus d’une femme sur cinq (22,6 %) et un homme sur sept (14,5 %) n’est pas strictement hétérosexuel·le, dans le sens où elles et ils rapportent soit une attirance, soit des pratiques, soit une identité qui n’est pas hétérosexuelle.

Pour ma part, je dirais plutôt qu’en considérant les incohérences entre les préférences et les actes déclarés, on observe que l’écrasante majorité des gens sont hétérosexuels, avec une minorité de curieux occasionnels et de polyvalents dans tas. Les (vrais) homosexuels sont rares.

Mieux : ce qui devrait sauter aux yeux des sociologues, c’est que les hommes ont pour la plupart une orientation sexuelle fermement définie, tandis que les femmes sont plus flexibles, plus souvent bisexuelles (en actes ou en intention), et peut-être moins concernées par l’idée même d’avoir une orientation sexuelle.

Est-ce surprenant ? D’un point de vue pilule rouge, pas tellement. Puisque leur rôle physiologique dans la reproduction est minuscule, les hommes doivent désirer quelqu’un qui les complète. Leur désir s’exerce sur un objet qui leur est extérieur — des femmes pour la plupart d’entre eux, et quelques fois d’autres hommes si l’équipe de neurones chargée d’identifier le type d’objet désirable est « câblée » avec une inversion de polarité quelque part.

Les femmes, en revanche, sont au centre de la reproduction humaine (littéralement). Elles s’aiment beaucoup et, si elles sont saines d’esprit, aiment leur progéniture comme une extension d’elles-mêmes. Cet égocentrisme subconscient, que l’on appelle solipsisme, s’accorde très bien avec une sexualité polymorphe dont l’élément le plus fondamentalement désirable demeure en toute circonstance soi-même. Ainsi, même l’homme désirable n’est pas tant désiré pour lui-même que pour l’expérience qu’il constitue pour soi-même. Le garçon serviable offre une expérience bien moins excitante, mais il reste un partenaire sexuel supportable dans la mesure où il apporte son offrande d’approvisionnement et de sécurité à soi-même. Le godemichet doit se situer quelque part entre les deux : il offre une compagnie plaisante, sans regrets ni culpabilité, du moment qu’il procure une stimulation agréable à soi-même. Une autre femme est un partenaire doublement plaisant : en plus de procurer du plaisir à soi-même, elle offre en miroir l’image du même. Et maintenant, franchissons l’Atlantique…


Les mêmes tendances s’observent aux États-Unis. Mais comme les enquêtes sociologiques y sont beaucoup plus ambitieuses qu’en France, on y trouve des jeux de données plus complets et plus « intersectionnels ».

Premier constat : les Américains (des deux sexes, ensemble) sont, eux aussi, plus nombreux à se déclarer homosexuels qu’à vivre une sexualité homosexuelle :

Orientation et comportement sexuel des moins de 30 ans aux États-Unis

Il faut également tenir compte du fait que 20% des jeunes déclarent aujourd’hui ne pas avoir eu de relations sexuelles au cours de l’année précédente, ce qui signifie que l’augmentation de quatre points du nombre de partenaires de même sexe depuis 2008 est en réalité plus proche d’une augmentation de trois points : pas rien, mais pas vraiment une révolution sexuelle.

Eric Kaufmann, « Progressivism, Sexuality, and Mental Illness », Quillette, 2022

Pour ceux qui découvrent le sujet, rappelons que l’Enquête Sociale Générale américaine a montré que les jeunes qui n’ont pas de relations sexuelles sont majoritairement des hommes.

Part des Américaines bisexuelles de moins de 30 ans n'ayant eu que des partenaires masculins durant les 5 dernières années

En outre, les données de l’Enquête Sociale Générale montrent que les femmes bisexuelles sont la catégorie qui connaît la croissance la plus rapide, représentant une part disproportionnée de l’augmentation post-2010. Un examen plus approfondi des tendances chez les femmes bisexuelles montre qu’une part croissante d’entre elles font preuve d’un comportement sexuel conventionnel. En 2008-2010, seulement 13% des femmes bisexuelles ont déclaré n’avoir eu que des partenaires masculins au cours des cinq dernières années. En 2018, cette proportion est passée à 53% atteignant 57% en 2021. On peut dire que la plupart des jeunes femmes bisexuelles d’aujourd’hui n’ont de LGBT que le nom.

Ibid.

Et maintenant, les choses deviennent vraiment amusantes : nous allons rapprocher les prétentions sexuelles des opinions politiques !

Part des LGBT selon l'orientation idéologique parmi les Américains de moins de 30 ans

Comme disent souvent les gens de gauche : « Tout est politique ! ». C’est vrai… surtout l’orientation sexuelle déclarée. (Note : l’étude FIRE, en orange, sonde exclusivement des étudiants.) Eric Kaufmann précise :

La montée en puissance de l’identité LGBT a-t-elle rendu les jeunes plus libéraux/gauchistes ? Non. L’équilibre idéologique et partisan global chez les moins de 30 ans est relativement stable depuis 2008. Si le fait d’être LGBT entraînait une libéralisation/gauchisation, et non l’inverse, nous aurions dû assister à un important glissement vers la gauche chez les jeunes. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit aux États-Unis. Il semble plutôt que l’augmentation de l’identification LGBT soit restée confinée aux personnes très libérales/très à gauche, limitant son impact politique plus général.

Ibid.

Puisque nous avons vue que les femmes d’une part, et les gauchistes d’autre part, ont fortement tendance à se déclarer LGBT, se pourrait-il que ce soit les femmes gauchistes qui causent l’écart d’ensemble entre orientation sexuelle déclarée et sexualité réelle ? La réponse s’esquisse dans le graphique suivant :

Comportement homosexuel et identification homosexuelle sans comportement parmi les Américaines de moins de 30 ans par orientation idéologique


À droite, seulement la moitié des femmes s’identifiant comme homosexuelles se mentent. À gauche ce sont les trois quarts. À l’extrême gauche, près des quatre cinquièmes. Cette contradiction ne se retrouve pas chez les gays, qui vivent en effet la sexualité qu’ils revendiquent, quel que soit leur bord politique.

Ah, si l’INSERM avait eu la bonne idée d’interroger les participantes de son enquête sur leur santé mentale ! Nous aurions peut-être eu dans leur papier un joli graphique comme celui-ci. Ou peut-être pas. Manifestement, les vraies lesbiennes ont beaucoup moins de problèmes que les lesbiennes purement déclaratives : à peine plus dépressives que les hétérosexuelles ! De là à présumer que les extrêmes-gauchistes souffrent davantage de problèmes mentaux… Rhôôoooo, vous êtes taquin. Eric aussi :

Si l’intolérance est la raison de la mauvaise santé mentale des LGBT, il est difficile de comprendre comment des personnes qui ne sont pas en couple avec un partenaire du même sexe, et donc moins susceptibles d’être perçues comme LGBT, peuvent faire état de problèmes émotionnels plus graves que celles qui sont en couple avec un partenaire du même sexe. Il convient d’ajouter ici que les femmes qui n’ont pas de partenaires sexuels n’ont pas une santé mentale plus mauvaise que celles qui en ont, de sorte que l’effet n’a rien à voir avec l’absence de relations sexuelles.

La théorie progressiste selon laquelle l’identification LGBT, c’est comme être gaucher — que la persécution explique leurs maladies mentales et que l’augmentation de la tolérance conduit un plus grand nombre de personnes à faire leur coming out — ne peut pas expliquer les tendances observées dans ces données. Une explication plus parcimonieuse est que la culture de gauche, en particulier chez les jeunes, amène les gens à déclarer à la fois une identité LGBT et un problème de santé mentale.

Ibid.

En voilà un beau sujet pour la recherche en sociologie ! La destruction des structures traditionnelles de la société (couple, famille, rôle des deux sexes) fait-elle souffrir les individus, particulièrement ceux qui l’approuvent, et tout particulièrement les femmes ? Je ne saurais trop encourager les jeunes sociologues à se pencher là-dessus (en lisant un type nommé Émile Durkheim, qui a déjà bien dégrossi le sujet), mais je ne garantis pas que ce soit bon pour leur carrière académique.

Nous pouvons maintenant répondre à la question posée dans le titre du billet et souligner de nombreux points positifs :

  • Oui, les femmes peuvent mentir sur leur orientation sexuelle… Mais beaucoup moins que sur leur nombre de partenaires sexuels !
  • Oui, les femmes de gauche mentent encore plus que les femmes de droite… Mais ce sont de loin les « lesbiennes » les plus ouvertes à faire tagada avec des hommes, et même uniquement avec des hommes. Bien ou pas ?
  • Oui, comme le dit la sagesse des réseaux, « le gauchisme est une maladie mentale »… Mais puisqu’elle semble résulter de prédispositions personnelles, et non d’une contagion susceptible de traverser le spectre politique, elle ne s’étendra pas beaucoup plus loin.
  • Oui, l’apport idéologique des sociologues à la recherche médicale semble nul ou négatif… Mais cela veut dire que l’INSERM dispose d’une certaine marge de manœuvre pour réduire sa masse salariale sans perte d’efficacité. Un véritable atout en ces temps de crise budgétaire généralisée !
  • Oui, les femmes sont plus sujettes que les hommes à l’inconséquence, la dépression, l’instabilité mentale, l’hystérie collective et avoir les pieds froids… Mais cela signifie juste que les femmes et les hommes ont besoin l’un de l’autre. Vous : de leur capacité à porter vos enfants et à vous tarabuster pour que vous donniez à votre famille le plus possible de sécurité ; elles : de votre capacité à apaiser leur anxiété, projeter à long terme votre avenir commun et travailler sérieusement pour l’accomplir.

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