C’est l’actualité people de la semaine aux États-Unis, l’actrice Evan Rachel Wood accuse sur Instagram le chanteur de métal Marilyn Manson d’abus sexuels :
Il a commencé à m’embobiner quand j’étais adolescente et a horriblement abusé de moi pendant des années. J’ai subi un lavage de cerveau et été manipulée pour me soumettre. J’en ai fini de vivre dans la crainte des représailles, de la calomnie ou du chantage. Je suis ici pour dénoncer cet homme dangereux et en appeler aux nombreuses entreprises qui l’ont soutenu, avant qu’il ne ruine d’autres vies. Je me tiens aux côtés des nombreuses victimes qui ne se tairont plus.
Ça alors ! Il avait l’air d’un si gentil garçon ! Comment aurait-elle pu se douter qu’il aurait un si vilain comportement ? Et comment aurions-nous pu imaginer les souffrances d’Evan avec Marilyn après avoir lu des entretiens comme celui-ci ?
À 18 ans, elle est allée au Château Marmont, a rencontré Marilyn Manson (alors âgé de 36 ans et marié à Dita Von Teese), a commencé à sortir avec lui, et est ensuite apparue, à la manière de Lolita, dans une vidéo pour [la chanson] Heart-Shaped Glasses, se tripotant le bas du corps et embrassant ensuite Manson alors que du faux sang pleuvait sur eux, dans une vidéo si explicite que la rumeur disait que l’acte sexuel était réel (elle dit qu’il ne l’était pas). « J’ai rencontré quelqu’un qui m’a promis la liberté, l’expression et aucun jugement », dit-elle. « Et j’avais envie de danger et d’excitation. Un jour, j’ai regardé ma mère et j’ai dit : “Maman, je vais monter dans ce bus de tournée pendant huit mois et voir le monde, faire un voyage dingue et me trouver, et si les gens ne sont pas d’accord avec ça, je suis désolée, mais je ne peux pas vivre ma vie pour les autres.” »
Il s’est avéré que les gens n’étaient pas vraiment d’accord avec cela, surtout à cause de l’incompréhension colossale, juste en voyant Wood et Manson ensemble. Mais pour Wood, c’était une expérience d’apprentissage de premier ordre. « La plupart des adolescents sont à la recherche d’une identité, et j’ai été jetée dans une situation où j’étais censée l’avoir déjà trouvée », dit-elle. « Ensuite, vous êtes diabolisé parce que vous l’avez trouvée et que ça a fichu le bazar. Les gens me traitaient de pute quand je marchais dans la rue, et vous ne pouvez pas ne pas être blessé par cela. »
Alex Morris, « Evan Rachel Wood: How Wild Past, Personal Demons Prepped Her for ‘Westworld’ », Rolling Stones, 2016
Evan était tout à fait décidée à n’écouter ni sa maman, ni personne d’autre. Elle avait « envie de danger et d’excitation » et Marilyn semblait un homme très capable de fournir exactement cela. D’après la presse, leur relation a duré quatre à cinq ans ans (2005-2010), ce qui laisse supposer que l’excitation d’Evan a longuement persisté. Outre l’attraction initialement ressentie pour Marilyn, la toute jeune Evan a bénéficié de la solide notoriété de son compagnon. Dans l’entretien de 2016, Alex Morris notait — sans aucune perfidie — « [elle] est en ce moment la vedette la mieux classée sur IMDB, même si elle est peut-être toujours plus connue pour être sortie avec Marilyn Manson il y a une décennie. »
En 2011, Evan a tenu à faire savoir à tout le monde, via Twitter, qu’elle était bisexuelle. C’est une sorte d’obligation professionnelle pour les actrices nord-américaines ces dernières années : il faut être à la dernière mode en matière de sexualité hors norme, sous peine d’être dépassée par de plus audacieuses concurrentes (telle l’actrice Ellen Page décrétant récemment qu’elle était désormais un garçon « transgenre non-binaire »).
Après l’épisode bisexuel, Evan a renoué avec Jamie Bell, le garçon qu’elle fréquentait avant-et-un-peu-pendant la relation avec Marilyn. Mariage, bébé et divorce en un temps record. « Ce qui l’a le plus aidée, dit-elle, c’est la naissance en 2013 de son fils avec l’acteur Jamie Bell, qu’elle a épousé en 2012 et dont elle a divorcé en 2014 (souvenez-vous : “Tous les divorces sont horribles”). » La relation avec Marilyn, « cet homme dangereux », aura donc duré deux fois plus longtemps que le mariage avec le père de son enfant.
En 2019 Evan a raconté à la presse une tentative de suicide remontant à 2009 :
« Maman ? C’est moi… J’ai juste essayé de me suicider… J’ai besoin d’aller à l’hôpital », dit Wood, en racontant l’appel qu’elle a passé à sa mère.
« Quand j’ai dit que j’avais besoin d’aller à l’hôpital, je ne voulais pas dire que j’avais besoin d’y aller pour des blessures physiques que j’aurais pu avoir ou pas. Je voulais dire un hôpital pour mon état d’esprit. »
Robyn Merret, « Evan Rachel Wood Opens Up About Her Suicide Attempt and Decision to Check Into Psychiatric Hospital », People, 2019
Résumons la vie personnelle excitante d’Evan Rachel Wood :
En 2005, à 18 ans Evan devient majeure et responsable de ses actes comme presque tout le monde aux États-Unis (seuls l’Alabama et le Nebraska repoussent la majorité à 19 ans ; Evan est née en Caroline du Nord).
Elle entretien alors une relation avec le banal et propre-sur-lui Jamie, et une autre avec l’excitant et sulfureux Marilyn. Puis elle se sépare de Jamie et garde Marilyn jusqu’en 2010. Elle tourne avec lui dans un clip érotico-sanglant et augmente sa célébrité grâce à leur relation.
En 2011, elle annonce ne pas dédaigner de coucher avec des filles autant qu’avec des garçons et se sent « de genre fluide ». Grand bien lui fasse, mais comparé à la vision de ses ébats scabreux avec le fétide Marilyn cela a dû sembler beaucoup moins croustillant à la presse et au public. Prude, même.
En 2012, mariage avec ce brave Jamie, toujours disponible. Fécondation, gestation, accouchement et divorce avant même que le bébé ait fêté son premier anniversaire. Merci Jamie, tu peux disposer. Oh ! Comme « les divorces sont horribles » !
En 2016, elle déclare dans l’entretien à Rolling Stones avoir été violée par l’une de ses relations intimes (qui cela peut-il bien être ?) et par « un patron de bar ». Elle ne mentionne aucun dépôt de plainte.
En 2018, elle témoigne devant une commission parlementaire travaillant sur l’amélioration de la prise en charge des victimes de viols. Tiens, parmi toutes les victimes qui auraient pu témoigner, les parlementaires ont invité une célébrité — sûrement une coïncidence.
En 2019, elle donne des entretiens sur une tentative de suicide survenue dix ans plus tôt, dont les blessures étaient assez superficielles pour ne nécessiter qu’une hospitalisation psychiatrique. (Note : les statistiques de l’Institut national de la santé mentale américain montrent que les femmes tentent de se suicider 1,75 fois plus que les hommes, tandis que les hommes se suicident 3,7 fois plus que les femmes. Si la différence ne vous parait pas claire, comparez : « tenter de monter une étagère » et « monter une étagère ».)
Et enfin, en 2021, le fameux message Instagram : « Je suis ici pour dénoncer cet homme dangereux et en appeler aux nombreuses entreprises qui l’ont soutenu, avant qu’il ne ruine d’autres vies. » Résultat : le label de Marilyn Manson, Loma Vista, a immédiatement décidé de le virer (et d’effacer sa page sur leur site). Pas d’enquête, pas de procès. L’accusation vaut condamnation.
Que l’on s’entende bien, vous et moi : je n’ai aucun mal à imaginer que Marilyn ait pu commettre des actes répréhensibles par la morale et par la loi à l’encontre d’Evan. Si la culpabilité de Marilyn étaient prouvé dans le cadre d’une enquête de police et d’un procès en bonne et due forme, le statut de victime d’Evan serait alors également prouvé. Mais même dans ce cas, le comportement d’Evan resterait questionnable :
— Elle s’est engagé dans une relation avec un homme dont le personnage public est entièrement bâti sur l’exhibition et la provocation, et dont elle attendait selon ses propres termes du « danger ». Qui aurait cru sérieusement que Marilyn se contenterait d’un missionnaire avec câlin le dimanche soir ?
— Elle a poursuivi cette relation pendant cinq ans. Cinq ans, bordel ! Il faut combien de temps pour s’apercevoir qu’on est maltraitée et rompre ?
— Pas de plainte déposée, ni contre le célèbre chanteur, ni contre le patron de bar inconnu. Rien pendant six ans, puis une allusion dans la presse, puis rien pendant quatre ans, puis l’accusation publique sur Instagram, dix ans après la fin de la relation.
— Enfin, ne pas avoir poursuivi avec le père de son enfant (un type certainement beaucoup plus vivable) une relation au moins aussi longue qu’avec l’horrible-laveur-de-cervelle-abusif laisse très perplexe sur les priorités affectives d’Evan. Si j’étais Jamie Bell, je me sentirais insulté, trahi, voire… violé.
À présent que les entreprises du secteur du divertissement trouvent légitime de tourner le dos à Marilyn Manson et de le condamner, sans preuves, à la déchéance économique en raison du mauvais exemple qu’il donne aux garçons, elles devraient traiter aussi sévèrement Evan Rachel Wood et rompre toute relation avec l’actrice en raison de l’exemple malsain et dangereux qu’elle donne aux filles.