Voici, août 2003
Moscou
Pauline Delcourt est dans le coma. Admise en urgence à l’European Medical Center, un hôpital privé du centre-ville, son pronostic vital est engagé et les médecins sont pessimistes. Une enquête est en cours car la comédienne présente des signes de coups et des ecchymoses sur le corps et le visage. Selon nos informations, une violente dispute a éclaté cette nuit entre Pauline et sa compagne, Paula, leader du groupe de rock Paula-X.
Pauline Delcourt était à Moscou pour le tournage d’un téléfilm réalisé par sa mère, Marie, quand Paula est venue la rejoindre avec les six enfants qu’elles ont eus de lits précédents. La famille s’est installée à l’hôtel Ukrayina, un bâtiment massif datant de l’ère stalinienne et pendant que Pauline tourne, Paula reste à la maison. Mais elle n’est pas dans son élément, Paula se sent rejetée par le milieu du cinéma et la famille de sa compagne.
Alors, une dispute qui tourne mal et vire au drame passionnel ? Une autre crise de jalousie ? Depuis leur rencontre, il y a un an, Pauline et Paula vivent un amour tumultueux. L’entourage du couple est habitué et se souvient d’éclats réguliers. Il y a trois mois, Paula a annulé un concert à cause d’un bras dans le plâtre. À la cérémonie des Césars, c’est Pauline, en larme avec des lunettes de soleil. Les voisins entendent sans cesse les bruits des altercations des deux femmes, cris, hurlements et portes qui claquent. Nous restons à l’écoute et ne manquerons pas de vous tenir au courant des suites de cette affaire.
Communiqué du management de Paula-X
Nous sommes au regret de vous annoncer l’annulation des trois concerts parisiens du groupe. Toutes les places seront remboursées.
Le Monde libertaire, août 2003
Pour quelles raisons Pauline Delcourt, sa mère, ses enfants et sa maîtresse sont-ils à Moscou ? Villégiature ? Visite familiale ? On se gausse d’imaginer la capitale russe nouvelle destination des célébrités, de les retrouver sur les rives de la Moskova ou dans les allées fraîches du Goum. Pourtant aucune horde de paparazzis à la sortie de l’hôtel Leningrad, l’une des « sept sœurs » de Staline, car si Marie Delcourt, la mère de Pauline, est ici, c’est pour une raison simple : gagner plus d’argent !
Aujourd’hui, la CGT et les représentants syndicaux des intermittents du spectacle rencontrent les membres du gouvernement suite à la décision du MEDEF de quitter la table des négociations sur les annexes 8 et 10 du règlement général de l’assurance chômage. Le conflit se durcit devant le refus de l’organisation patronale et l’annulation du festival d’Avignon n’est qu’un début. À cette occasion, les différentes conférences de presse données par les acteurs de la profession ont mis à jour les techniques « d’optimisation budgétaire » des productions. Dans le cinéma aussi, on délocalise.
Car les raisons de la présence de la famille Delcourt à Moscou, ce sont les tarifs des techniciens locaux. Une économie d’échelle conséquente, aucune couverture sociale, pas de cotisations URSAAF, pas de retraite, les Russes sont moins chers. Ironie de la situation, le thème du téléfilm de Marie Delcourt est la vie du jeune Karl Marx. « Dans une perspective de gauche » affirmait-elle à un confrère. Avec des amis comme elle, les intermittents n’ont pas besoin d’ennemis.
Le Monde, 1er septembre 2003
Moscou, de notre correspondant
Paula Zingerman a été mise en détention provisoire à la prison de la Boutyrka par les autorités russes cette nuit. La chanteuse, leader et fondateur du groupe rock Paula-X, est soupçonnée d’être à l’origine des coups qui ont plongé Pauline Delcourt dans le coma la semaine dernière.
Une liaison discrète et orageuse
Pauline et Paula se rencontrent pour la première fois lors d’un concert de Paula-X à Marseille, en juillet 2002. Odile, la sœur de Paula et assistante de réalisation, connaissait l’actrice depuis le tournage des Marins perdus. C’est elle qui présente les deux femmes. Au début, leur liaison est uniquement à base de SMS. Elles veulent garder quelques distances, le temps de laisser passer la naissance de Carmen, le deuxième enfant de Luis et Paula. Un mois après, Paula s’installe chez Pauline à Paris et le groupe découvre leur liaison. Les mois suivants, on les croise au théâtre ou en concert, même si les deux femmes « choisissent la discrétion » disent-elles.
Très vite, ce sont des disputes et des furieuses altercations. La vie n’est pas simple dans cette famille recomposée de six enfants. Pauline reçoit ses quatre anciens compagnons tous les dimanches, pour le déjeuner. Paula se sent rejetée. Marie Delcourt, la mère de Pauline raconte : « Elles étaient très possessives l’une envers l’autre et s’opposaient à toute ingérence. Cette osmose nous faisait bien rire. » Luis, le mari de Paula, est cordial avec Pauline. « C’était un homme très doux, confirme Odile, il aimait Paula avec passion. »
Comment une belle histoire d’amour se transforme-t-elle en drame passionnel ? C’est à cette question que les policiers de la brigade criminelle, attendus ces jours-ci pour auditionner Paula, devront répondre.
Tamère, fanzine rock, juin 1987
Quelle métaphore filer, quelle synesthésie convoquer pour tenter d’expliquer la musique des brestois de Paula-X ? Visuelle : Un patchwork de sons où chaque instrument telle une couleur primaire participe à la création d’un rendez-vous universel ! Culinaire : Une tambouille à la recette secrète dont la clé est au fond d’un puits perdu dans les légendes des Monts d’Arrée, du gloubi boulrock au beurre salé ! Cinématographique : La rencontre improbable d’Emir Kusturica et Quentin Tarantino réalisant un « Underground Pulp Fiction », l’histoire de Bo Diddley dans une roulotte russe ! Philosophique : L’incomplétude ontologique du langage comme grammaire transcendantale de la surf music, du Hegels Angels Rock ! À l’ombre des souverains poncifs de la chanson française, la graaaande chanson ; la chanson à texte, le rock français souffre de ne pas avoir l’anglais comme première langue. Il y a de ça, il y a plus : Il y a la scène. Il y a les voyages. Il y a le public. Il y a le Rock’n’Roll ! Pour le reste : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. » — Wittgenstein
Originaire de Brest, qui se la joue souvent Brest Angeles — la cité des anges déchus et des rues en angles droits — les quatre (jeunes) gens ne ménagent pas leur peine, tant il est vrai que le rock est une musique de pue-la-sueur, en soi le seul art populaire avec le port du blouson noir ; une musique qui va vite et fort dans l’expression immédiate, hic et nunc, d’une jeunesse tant désirée et si peu désirable…
Le Parisien, septembre 2003
Moscou, de notre correspondant
Toute la famille de Pauline Delcourt était présente lors du tournage commencé fin mai. Marie, sa mère comme réalisatrice et scénariste, Pierre, son frère, endosse les fonctions de second assistant caméra, même son premier fils Éloi obtient un petit rôle dans la distribution. Lambert Wilson ne tarit pas d’éloges : « Pauline est une partenaire délicieuse et une comédienne merveilleuse, l’ambiance familiale est pour beaucoup dans l’atmosphère de travail. Pauline et Marie se comprennent d’un regard. »
En août, deux des autres fils de Pauline sont venus la rejoindre, accompagnés de Paula Zingermann, la leader de Paula-X, avec qui elle entretient une liaison discrète depuis un an.
Sur le trône du rock français, Paula-X est le groupe remplaçant Téléphone, les convictions politiques en plus. Sans concessions ni compromis, un son brut et un succès phénoménal. Il refuse les interviews et assure la promotion de ses albums sur scène, enchaînant les salles combles et les tournées internationales, exportant sa poésie sombre jusqu’aux États-Unis.
Un mois après le début du tournage, Paula débarque sans prévenir, une escapade amoureuse avant de reprendre la route des festivals avec le groupe. Pauline et Paula vivent une passion dévorante qui les consument et débordent l’antichambre de leurs instants les plus privés.
« Aujourd’hui, Pauline est dans le coma et ses enfants sont dans l’angoisse » nous déclare Robert Melchior. Son premier mari, vient en effet d’arriver à Moscou, accompagné d’Étienne Dejardin, le « neurochirurgien des stars », envoyé dans la capitale russe par le gouvernement français et la famille Delcourt afin de tenter une opération estimée comme celle de la dernière chance.
Longueurs d’onde, mars 1989
Paula-X, « Héros immobiles »
La critique doit-elle être cryptique ? Pour dire la synthèse des écritures, le mélange d’influences et d’atmosphères que nous propose Paula-X, il semble nécessaire de faire appel à un métalangage ; celui qui prendrait en compte dans sa sémantique les apports de Françoise Hardy, les inflexions pragmatiques d’Indochine, l’accent désuet des claviers rétro, la grammaire anglo-saxonne d’une pop légère, la stylistique des années 60, la syntaxe d’une chanson française de genre. À ce préalable le trio ajoute la patine et le son direct d’un enregistrement live réalisé par Martin Rushment (The Stranglers, Human League, Téléphone…) et mixé par Craig Silvey (Portishead, The Horrors…). Du bel ouvrage. Paula-X emprunte l’esthétique élégante et embrumée de la fin des sixties noir et blanc et proto-psychédélique d’une époque charnière dans les musiques actuelles. Entre Portishead et rock insolent, le deuxième LP de la théorie Paula-X n’a qu’un défaut, être trop court. Nonobstant cela, les onze plages dévoilent une électro-punk exaltée et nostalgique. En quelque sorte, la bande originale d’un cosmos allégorique, dont on devine autant que l’on imagine ce qui ne se laisse entendre : Un ensemble de sons réunis par l’espace qui les sépare. Il est vrai que de ces musiques à sauter partout et autour, on retient seulement, comme le skate dont il est le bras armé, qu’il est nécessaire d’être muni d’un certificat d’aptitude au saut en largeur et d’une colonne vertébrale en titane brossé, avant toute chose. L’espérance de vie de ces musiciens est courte, passé la trentaine mieux vaut raccrocher les baguettes et se mettre à la chanson pour enfant. Vingt ans, soit deux générations, plus tard, voici Paula-X et son deuxième LP « Héros immobiles » au titre parfait. Si le dauphin est encore un peu jeune et influençable, il a le caractère trempé des grands suzerains de la scène.