Les Effrontées du mois de juin 2023 : Sandrine et Clémentine

— Hé, cousins, qu’est-ce que vous avez trouvé, là ? C’est quoi ça ?

— Téma, ils ont pécho deux rattes !

— Ben voilà, comme les keufs sont en train de criser avec les émeutes partout, nous on allait ratisser le centre commercial, tranquille. Mais les gars de Champigny ils étaient passés avant nous. Tu le crois pas : ils ont déjà tout dépouillé ces rats ! Les baskets, les consoles, les téléphones… C’est abusé !

— Même la bouffe, frères ! Leur mères, elles ont dû faire les courses pour un an, là. Y restait que des trucs dégueus qu’ont pas de goût, pour les meufs qui font des régimes. Et c’est là qu’on les a trouvées : elles bébardaient des galettes de riz, des steaks de soja et des tampons pour leur teuch.

— Alors on s’est dit : « On va pas repartir sans rien. On les prend, on verra ce qu’on fait avec. »

— Hé, teup, comment tu t’appelles ?

— Sandrine. Nous vous comprenons ! Nous sommes contre l’appareil policier au service de l’État bourgeois ! Dès le début du mouvement, nous nous sommes dit : « Et si le pillage avait à voir avec la pauvreté ? Les marques avec le sentiment de relégation ? Peut-être est-ce à analyser politiquement pas juste sécuritairement ? » Nous vous avons défendus sur Twitter. Poser une question sociale. Recevoir des insultes. Quelle meilleure illustration du problème ?

— Bon, ta gueule. Et toi ?

— Clémentine. Nous savons que ce qu’il faut calmer, ce sont les injustices, les violences policières, le racisme, la vie chère et les inégalités territoriales. Voilà la condition de l’apaisement.

— Ouais, les cousins… J’sais pas si vous avez bien fait de les ramasser. Elles sont prises de tête celles-là.

— Qu’est-ce t’en as à foutre ? C’est pas pour les épouser.

— Ouais. Clém’, qu’est-ce que tu sais faire de bien ?

— Je suis écrivaine éco-féministe et chargée de mission pour la tolérance et…

— Elle a rien compris. Et l’autre ?

— Moi ? Je suis économiste et directrice des potagers participatifs de…

— C’est bon, ta gueule. Faites-en ce que vous voulez de vos dinbous, je m’en balec. Mais allez défoncer le tabac devant la mairie d’abord, avant qu’il soit vidé par d’autres. Et rentrez pas les mains vides ! J’ai envie de cloper, là, et y a plus un magasin d’ouvert.

Illustration : Le marché aux esclaves, par Otto Pilny, 1910
Le marché aux esclaves, par Otto Pilny, 1910

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