Indécente, ma robe ? Mais chouchou, c’est la mode cet été ! La robe-moustiquaire protège de la torpeur estivale et des morsures d’insectes tout en préservant la pudeur des chevilles jusqu’au cou. Tu sais comme je suis prude et comme je veux garder ma vertu jusqu’à notre mariage — c’est à dire, si tu restes mon favori jusque là, cher fiancé… Moi aussi je suis impatiente, tu le sais, mais je ne pourrai célébrer notre hymen avant que mon frère soit revenu de la campagne qu’il mène contre les Germains aux confins de l’Empire. Ta famille appuiera-t-elle la candidature de mon père au Sénat ? Je serais indigne de toi si je n’étais que la fille d’un questeur ! Et comment pourrais-je goûter notre union tant que ma mère souffre d’un panaricium à l’orteil ? Je prie Esculape chaque jour pour sa guérison et l’avancement de notre bonheur.
Allons nous divertir à la fête que donne Julia demain. La villa de sa famille est sublime — comme le sera la nôtre, n’est-ce pas ? Il y aura toute la jeunesse de Rome, tous des patriciens. Et puis des célébrités : tu pourras parler char avec le champion Appuleius, et lutte avec le gladiateur Maximus. Mais nous ne pouvons pas arriver les mains vides ; allons au marché, je te dirai quels cadeaux acheter — tu as si peu de sens esthétique, mon chéri. Et d’abord, j’ai besoin d’une bonne dizaine de robes comme celle-ci et de nouveaux bijoux. Si je risquais de paraître devant toi moins belle que les autres filles, je préférerais me couvrir la tête de cendres et me cacher parmi les vestales. Allons, mon promis, et n’oublie pas ta bourse. Nous allons bien nous amuser !
Illustration : Athenais, par John William Godward, 1908
