— Joseph ! Viens coucher avec moi.
— Madame, je ne le puis. Je vous respecte.
— Viens donc me respecter plus près, petit coquin !
— Je ne le veux pas. J’ai trop de respect pour Potiphar, votre époux.
— Il est assurément respectable, sans quoi je ne l’aurais pas épousé. Mais pas sexy pour deux sous. Mariée à un eunuque carriériste… ce fut bien ma veine. Toi, par contre… Grand, musclé, viril, entier. Tu es tout à fait ma came. DANS MON LIT TOUT DE SUITE !
— Nooooon ! Lâchez-moi ! Ah, tant pis, je vous laisse mon manteau en polaire de chameau. J’irai en racheter un au Décathlon de Thèbes.
— Reviens ! Je ne te laisserai pas libre après m’avoir excité comme tu l’as fait.
— Mais… Je n’ai rien fait.
— Tu existes et tu m’excites. Et tu ne veux pas de moi. Salaud ! Voilà bien un comportement de nature à briser la santé morale des femmes.
— Vous exagérez. C’est ridicule…
— Je dirai que tu m’as violée. J’ai ton manteau pour preuve.
— Pour preuve de quoi ? J’ai justement refusé de commettre l’œuvre de chair avec vous.
— Inquiète-toi. Je vais revenir et en force. La chute va être douloureuse, beau gosse.
— Mais de quoi serai-je accusé ? Qu’ai-je commis de répréhensible ?
— Je leur dirai tout, Joseph ! Je leur dirai le prédateur que tu es, comment tu broies le cœur des femmes. Nous serons nombreuses à nous plaindre. J’irai voir Pharaon avec toutes les femmes que tu as fait pleurer.
— Vous n’allez tout de même pas entraîner dans cette absurdité toutes les jolies femmes de la cité ?
— Les femmes ont le droit de se parler et elles ont le droit de se protéger et tant que la justice ne le fera pas il n’y a rien de condamnable à cela.
— Je ne comprends rien, vos propos sont incohérents et leur syntaxe déplorable. De quels faits devrais-je me défendre ? Les sentiments de chacune ne sont pas des faits, et encore moins des actes que j’aurais, moi, commis.
— Je sais comment j’entortillerai Pharaon et tous ses nigauds de ministres : « Combien sommes-nous de femmes brillantes, douces, douées, à avoir complètement vrillé, parfois sous vos yeux, sans que jamais vous vous disiez qu’il y avait peut-être un problème avec Joseph ? C’est un manipulateur, lâche et dénué d’empathie. »
— Ohlololo… Je sens que je ne suis pas sorti d’affaire, mais je crois bien que je serai mieux en prison qu’avec cette folle.
Illustration : Joseph et la femme de Potiphar, par Bartolomé Esteban Murillo, vers 1645