Tancrède a récemment donné son opinion sur les psychothérapies. Si, et il le sait, je partage en partie son avis, je diverge sur l’autre. Car contrairement à ce qu’il affirme, il y a quelque chose qui marche, encore qu’il faille se mettre d’accord sur quoi.
J’ai comme lui, poussé la porte d’un thérapeute et je me suis « allongé » sur son divan. C’est une métaphore, car je suis resté assis sur un fauteuil confortable l’essentiel de la cure. J’y suis arrivé plus tard que Tancrède, en début de trentaine, à ce moment où un homme commence à poser le bilan de sa vie adulte, pour me rendre compte que « je ne m’en sortais plus ». C’est par ces mots que j’ai commencé mon analyse.
Il faut dire que je me traînais un sacré problème, de père en fils : l’alcool. Ce qui tua mon géniteur quelques années plus tard. Je ne bois plus depuis 20 ans, je ne fume plus non plus et je suis père à mon tour — divorcé, j’ai même obtenu la garde de ma fille – chose dont je ne rêvais même pas à cette époque.
Quelque chose marche, encore faut-il définir de quoi l’on parle. Comme mon ami Tancrède, la personne que je voyais était psychiatre et non psychothérapeute. Comme pour lui, les séances consistaient à parler… et à payer. Cette chose aussi simple, la cure par la parole, Freud ne l’a pas inventée, il l’a codifiée. Les Grecs avant lui, parlaient de catharsis.
Ce que j’en garde, c’est qu’il existe une arrière-boutique à notre belle devanture, un débarras où mûrissent et fermentent nos vies silencieuses, ce que nous avons subi, enduré, les sédiments que l’archéologie verbale met à jour. C’est un point important, mais ça n’est pas l’essentiel.
Le deuxième aspect est le récit — on parle beaucoup de « narratif » en ce moment — et le vocabulaire. Ce qui ressort de ma cure analytique c’est que je suis le seul à pouvoir écrire ma vie, en les termes qui me conviennent et me vont le mieux. Une fois débarrassé de la glu psychologisante à vocation culpabilisante de la doxa féministe, qui ne sait rien de mieux que parler des hommes, à leur place, j’ai découvert qu’il m’appartenait de vivre cette vie, d’en tracer le contour et l’histoire, avenir et passé, avec des mots d’hommes, pleinement, sans rougir, dans la solitude que la liberté engendre et qui n’est qu’un petit prix à payer.
Fier d’être un homme.
En somme, cher Louis : nous sommes en désaccord parce que nous pensons pareil. Voilà bien des Français, tiens ! — TB