À la recherche de l’attention perdue

La trentaine est un tournant difficile dans la vie sexuelle d’une femme (autant dire dans sa vie tout court !). Pivot central de la chronologie de l’hypergamie, c’est la phase où une femme commence à ressentir une baisse de sa désirabilité et la concurrence des femmes plus jeunes. Elle passe alors par une « révélation » de l’insuffisance de la poursuite d’expériences excitantes, et une « transition » vers la recherche de relations plus sécurisantes affectivement et matériellement. Cette transition passe par un travail de rationalisation de ses comportements passés, c’est à dire par la justification de son échec à nouer une relation durable avec un homme idéalement excitant, et par l’assouplissement de ses critères de choix en faveur d’hommes plus fiables. Pour illustrer ce difficile changement de cap, nous allons examiner l’exemple d’une youtubeuse qui se trouve justement en pleine révision de sa vie sexuelle. Nous l’appellerons Odette, pour ne pas étaler sa vie privée sur la place publique plus qu’elle ne le fait déjà elle-même.

Ça fait 30 ans que mes histoires d’amour se terminent […] aujourd’hui j’ai avec moi des photos de ma naissance à aujourd’hui. Je vous propose de regarder en même temps que vous et d’essayer de me souvenir de ce que je pensais de l’amour, à l’époque. C’est vrai que ma vision de l’amour à 8 ans n’était pas forcément la même que celle à 20 ans, ni aujourd’hui. Je me suis dit que ça serait intéressant de voir comment ma vision [de] cette chose si importante qu’est l’amour a évolué au cours des années.

Bien, bien. Nous sommes prêts à tout entendre, Odette, avec attention et bienveillance. Précisons cependant que notre hôtesse est une championne du placement de produit. Dans cette vidéo, elle vante avec enthousiasme les mérites de l’application de rencontre qui la parraine. Les points forts de l’application, pour elle comme pour ses abonnées trentenaires traversant la même phase délicate, résident dans la possibilité d’évaluer un grand nombre de garçons selon leurs nouvelles priorités.

C’est l’application de rencontre que j’utilise le plus depuis le début de mon célibat et ça va faire bientôt deux ans […] Ils ont une nouvelle fonctionnalité qui permet de découvrir les gens par la voix avant même de voir leurs visage. Donc moi, je trouve ça plutôt excitant et limite plus facile de cerner la personne quand tu les écoutes par la voix plutôt que par son physique. […] Je cherche plus à rencontrer une personnalité qu’un physique. Je suis capable de tomber amoureuse d’une voix, de kiffer la personnalité de quelqu’un alors que ses critères physiques correspondent pas forcément aux standards classiques de la beauté alors que dans une application de rencontre t’as tendance à tout de suite regarder le physique quoi. Bref, dans certaines circonstances ça permet de mieux découvrir la personne. […]

Deux ans de célibat, c’est le symptôme de la baisse de désirabilité. Célibat ne veut pas dire abstinence, juste pas d’attraction assez forte des deux côtés pour transformer le coup d’un soir en relation. Surtout, Odette s’intéresse désormais moins au physique et plus à la personnalité car elle se trouve dans une certaine circonstance : le déclin de sa Valeur sur le Marché Sexuel.

C’est parti. De 0 à 8 ans, clairement j’étais très mimi. [photo] Mon souvenir de 0 à 8 ans c’est que je m’en tamponnais pas mal le coquillard des hommes. […]

C’est très sain et c’est normal. Avançons rapidement vers l’âge adulte. Ou presque…

À 12 ans je pense sincèrement que j’étais libertine. Mon premier souvenir de bisous avec la langue c’était avec trois autres personnes. On était quatre. Aujourd’hui en regardant ça je trouve ça un peu dég’ mais rien ne me traumatisait à l’époque, hein ? J’étais complètement consentante. C’était très très fun et je pense que c’est de là que vient le polyamour. J’aimais trop plaire, j’aimais trop séduire. J’aimais trop faire des bisous. Pas parce que j’avais envie d’être aimée mais parce que j’aimais séduire, quoi.

Notez la distinction : être aimée n’était pas l’enjeu pour Odette. C’est exercer son pouvoir de séduction qui la démangeait.

Finalement je sais pas si j’ai beaucoup évolué, 22 ans plus tard, quoi. […] Bref, ce que je retiens de cette période c’est que l’amour et l’envie de plaire ça a toujours fait partie de moi de façon super saine et spontanée, et rigolote.

En effet, Odette est toujours affamée d’attention : elle est devenue artiste-youtubeuse-instagrameuse-influenceuse. Quelque chose au fond d’elle doit s’en inquiéter un peu, puisqu’elle nous précise que c’est super sain.

Là, on arrive aux photos où j’ai 12 ans. [photo] Regardez moi cette tignasse. Bon, là c’est un peu particulier quand j’avais 12 ans, parce que j’ai été victime de harcèlement par mon premier amoureux. Je me souviens très bien pour la seule fois de ma vie avoir eu envie de mourir. Ce que j’ai retiré de cette erreur c’est que quand tu tombes follement amoureuse ou follement amoureux de quelqu’un avant de savoir qui tu es, et ben tu peux sombrer n’importe comment pour cette personne. Et je voulais juste vous dire que quand vous êtes adulte normalement vous vous faites plus harcelée parce que le harcèlement coule sur toi comme des gouttes de pluie sur un imperméable. Si tu te fais harceler, part. C’est un peu la morale de ma première histoire d’amour à 12 ans. C’est un peu triste mais c’est comme ça. Moi je le vis très bien aujourd’hui, Dieu merci, elle [n’a] pas eu beaucoup de harceleurs après.

Odette a donc connu son premier « connard » dès l’âge de 12 ans. Et bien sûr, elle en était « follement amoureuse ». Pour un observateur pilule rouge, c’est juste la routine : les qualités de dominance qui rendent un garçon authentiquement excitant pour une fille sont… tout de même pénibles à la longue.

Next photo. Attention. [Odette] a 15 ans, déjà à demi nue sur les photos. À 15 ans c’est le début de ma vie sexuelle. De cette période je garde un souvenir super joyeux. J’avais un rapport à la sexualité comme on a un rapport au voyage. Je dormais peu, je buvais beaucoup et j’ai rencontré plein de gens. J’avais envie d’expérimenter tout ce que je voyais. Aujourd’hui quand je réfléchis à cette période je pensais vraiment des trucs que je ne pense plus du tout, maintenant, sur l’amour et la sexualité. À l’époque je pensais que si t’avais pas plein de partenaires ça voulait dire que t’étais coincée, par exemple. Et je trouve ça terrible d’avoir pensé ça, aujourd’hui, parce que je pense pas du tout ça. Et surtout, à 30 ans, aujourd’hui, j’ai appris à dire non à la plupart des propositions pour choisir la meilleure.

À 30 ans une femme ne cherche plus à « expérimenter » tous les hommes excitants que sa haute désirabilité attiraient autour de 20 ans. À présent elle veut choisir la meilleure proposition, et plus seulement sur son physique. Il lui faut également rationaliser son incapacité à choisir l’un de ces nombreux garçons qui ont traversé sa vie et son lit durant ses années de fête.

Je pense qu’il faut vraiment faire comme on le sent et y aller si ça vaut le coup. Je me suis bien amusée. J’avais un rapport super fun et détente avec ça. Mais j’étais quand même pas mal dans la consommation de l’amour et des relations et je pensais que c’était ça qu’il fallait faire. À l’époque je pensais, par exemple, qu’une soirée réussie, c’est une soirée au cours de laquelle tu péchos. Alors qu’aujourd’hui, à 30 ans, je sais bien qu’une soirée réussie, c’est une soirée pendant laquelle tu binge-watch une série.

Oui, ça sent la fatigue.

Ce que je retiens de cette période c’est deux choses : un, c’est pas parce que tu multiplies les partenaires sexuels que tu t’épanouis sexuellement. La deuxième chose que j’ai apprise c’est que, globalement, la plupart des humains sont très bienveillants et cherchent la même chose. Partager des moments de rigolade et de bienveillance en toute honnêteté et sincérité.

Ça, c’est sûr que les hommes sont toujours contents de partager un moment de galipette avec une jeune femme ! C’est la nature. Certains auraient sans doute été ravis de nouer une relation durable avec la jeune et pétulante Odette, mais elle avait tant d’autres expériences à consommer…

J’ai pas eu de mauvaises expériences dans cette période là. Pour le coup, à cette époque, les applications de rencontres n’existaient pas. Je les utilise depuis quatre-cinq ans environ. Au début c’était un peu la honte, être sur les applications de rencontre, comme si c’était humiliant de vouloir rencontrer des gens, et je trouve que l’on retrouve un peu cette ambiance d’ouverture d’esprit. Il y a des gens qui deviennent des potes. Je rencontre pas des gens, en général, qui cherchent un truc très défini. Je vois plus ça comme une façon de rencontrer plein de gens et de vivre potentiellement, soit une histoire d’amour merveilleuse, ou un plan cul incroyable. […]

Durant sa phase de transition la stratégie sexuelle d’Odette à été mise à jour. D’abord : rencontrer plein de gens — il faut tamiser beaucoup de boue pour trouver enfin la pépite, voyez-vous ? Sur la quantité, une « histoire d’amour merveilleuse » finira bien par se présenter, et en attendant ça fait des plans cul — histoire de ne pas perdre la main. Mais tout cela ne doit pas être « un truc très défini ». Ce serait déprimant de songer que le mâle idéal est retenu ailleurs pendant que la jeunesse passe.

Et je change de décor [pour] vous parler de mes 17 à mes 21 ans. C’est vraiment le début des gens que j’ai appelé « les hommes de ma vie ». J’ai eu deux grandes histoires d’amour qui étaient très classiques. En gros, pour moi, l’amour c’était forcément : on habite ensemble, on va faire des enfants, on est exclusif. Très différent de ce que je pense maintenant, quoi.

Dommage, parce que c’est bien cela une relation de couple. Sinon c’est juste un plan cul récurrent.

Quand je parle avec ceux d’entre vous qui ont 20 ans aujourd’hui, je me rends compte à quel point vous êtes déconstruits, conscients du patriarcat dans les relations, du fait qu’il y a plein de types de relations qui existent, et puis super impressionnée parce que moi, à votre âge, j’étais pas du tout comme ça. À 20 ans, j’ai emménagé dans une chambre de bonne avec mon copain. Quelle merveilleuse idée !

Sur le plan économique, partager le coût d’un logement c’est loin d’être bête. À 20 ans ce n’est sans doute pas une considération préoccupante, mais à mesure que l’on avance dans l’existence la solidarité économique interne au couple est avantageuse pour l’épouse, jusque dans la vieillesse.

Je vais avouer quelque chose dont j’ai peu parlé dans ma vie. J’ai trompé beaucoup de mes copains à 20 ans.

« Mes copains » ? Je croyais qu’il y avait eu un copain à 20 ans, dans l’intimité étroite d’une chambre de bonne. Finalement, Odette avait déjà bien déconstruit « le patriarcat dans les relations ». Quelle pionnière !

Et du coup je croyais que j’avais des problèmes psychologiques, que j’étais un monstre. Je croyais juste que j’étais une mauvaise personne. Ça se fait pas de tromper et ça se fait pas de mentir, mais aujourd’hui, avec le recul, je pense que juste, à 20 ans, j’avais envie de boire, rigoler, faire la fête, rencontrer des gens. Pour moi rencontrer des gens ça passait beaucoup par la sexualité, et du coup, je voyais pas d’autre issue, en fait. Je me disais, bah, soit tu es célibataire soit tu es en couple et tu trouves tes copains mais, je sais pas si vous êtes dans ce cas là, mais… En tout cas moi, m’accepter comme je suis, en parler avec mes partenaires et tout ça m’a vraiment aidé jusqu’à aujourd’hui, quoi.

Bref, Odette était en pleine expérimentation avec toute sorte de garçons, et aucun n’était assez excitant pour lui donner l’envie de cesser sa recherche.

Aujourd’hui, quand je vois cette période, j’ai deux questions qui me viennent. La première c’est : comment ça se fait, quand on est amoureux avec quelqu’un, on sous-entend tout de suite qu’on est exclusif ? Et attention je comprends très bien qu’il y est des gens qui ont envie de relations exclusives. J’trouve qu’on a rarement des conversations à ce propos. Quand les relations sont pas exclusives, c’est comme si on s’aimait pas vraiment. Je trouve ça très étrange.

Odette confond l’amour et l’excitation d’exercer son pouvoir de séduction. Elle a peut-être été aimée par certains de ses étalons, mais elle n’en a aimé aucun.

La deuxième question c’est : comment ça se fait que quand je tombais amoureuse ça devenait le plus important. Vous avez peut-être ces potes avec qui vous travaillez tout le temps, et dès qu’ils rencontrent la personne de leur vie, ils vous oublient. Quand je regarde cette époque, je ne me souviens plus de voyages incroyables que j’ai fait, le spectacle trop stylé que j’ai monté… Je ne me souviens pas avoir passé vraiment beaucoup de temps avec mes meilleurs amis. J’espère vraiment que si quelqu’un re-partage ma vie, [ça] se fera en parallèle d’autres projets trop stylés avec d’autres gens que j’aime. […]

Odette… Choisir c’est renoncer. On peut avoir une relation durable et éventuellement une famille OU on peut vivre le plus longtemps possible comme une gamine. On ne peut pas avoir les deux.

À 23 ans, je vais pas m’étaler dessus, mais je suis sorti avec ce qu’on appelle communément un pervers narcissique. Je n’ai plus jamais concrétisée avec un mec de la sorte. C’est arrivé une fois. C’était une erreur. On apprend des erreurs, on avance. Donc. maintenant, ce qui est bien, c’est que j’ai un certain talent pour déceler les pervers narcissiques de loin. Je le sais parce que j’ai une petite attirance pour eux. Ces mecs là m’excitent mais ne rentrent pas dans ma vie. Je les vois, je fais : « Ah ouais, coup dur, t’es torturé. Vraiment, sors de ma vie. Hors de ma vue. Merci. » […]

Le revoilà : le fameux connard ! Dangereux, mais si excitant. C’est la nature aussi.

Un autre avantage des applications de rencontre […] est que tu peux discuter avec la personne et voir un peu où est-ce qu’elle en est dans sa vie avant de décider de la rencontrer ou non. Vous pouvez poser la question suivante : « Es-tu un pervers narcissique, oui on non ? Ton ex-copine dit-elle que tu es un pervers narcissique, oui, non ? » Si cette personne répond « oui » à l’une de ces deux questions, je vous conseille de pas le ou la rencontrer. En vrai, je rigole, mais c’est vrai que sur les applications de rencontre tu peux lui demander un peu où elle en est, si elle aussi elle cherche les personnes bienveillantes pour vivre des aventures un peu chill dans la vie, etc. Et si vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde, ça permet de pas perdre trop de temps, et puis aussi de savoir où vous voulez aller tous les deux, ensemble ou pas, quoi.

Un peu comme lors d’un premier entretien d’embauche à distance. Si l’on donne les bonnes réponses, Odette nous convoquera pour un second entretien face-à-face. Ah, la phase de transition est vraiment un grand changement ! Soyez bienveillant envers ses attentes et n’espérez pas une relation de couple, ce n’est pas chill.

J’ai rencontré un mec super, sur cette appli d’ailleurs, on se voit une fois tous les deux mois et on fait l’amour. Il est super safe et bienveillant, et trop drôle. Pour moi c’est le contraire d’un pervers narcissique. Et c’est cool parce qu’on a pu échanger comme ça, ce dont on avait envie et tout, puis, après, voir si le feeling passait. Et le feeling passe.

C’est un poste à mi-temps. Il est déjà occupé un mois sur deux, au moment de l’œstrus, l’autre créneau reste ouvert. Envoyez vos candidatures avec bienveillance, merci.

À 26 ans, j’ai rencontré un mec que j’ai aimé à la folie qui m’a aimé à la folie. C’était vraiment un amour super bienveillant. Et j’ai découvert aussi le plaisir sexuel dix ans après avoir commencé les relations sexuelles.

Holà ! Stop ! Arrêtons-nous un instant Prenons le temps de méditer cette dernière phrase : « Et j’ai découvert aussi le plaisir sexuel dix ans après avoir commencé les relations sexuelles. »

Vous pensiez que les filles qui collectionnent les partenaires le faisaient par goût du sexe ? Vous vous disiez : « Bon, elle couche avec tout le monde, mais au moins elle aime ça, elle. On a au moins ça en commun, nous les garçons et ce genre de filles. » Et bien non… Désolé de démolir encore une illusion sympa, mais puisque c’est Odette qui nous l’avoue spontanément : dans l’acte sexuel, les femmes ont d’autres motivations que le plaisir. La recherche de l’attention sexuelle des hommes est bien plus importante que le sexe lui-même. La sexualité est la ressource fondamentale du sexe vulnérable : par celle-ci toutes les autres peuvent être obtenues de l’autre sexe (approvisionnement, protection, affection). Peu de femmes regardent du p0rno, très peu d’hommes lisent des romances. Pour un homme, l’acte sexuel est l’accomplissement de son destin de mâle, et les images de l’acte sont excitantes. Mais pour une femme, c’est la conquête du mâle le plus dominant possible qui est jouissive, et le récit de cette conquête est bien plus intéressant que le coït. D’où la difficulté de se fixer dans une relation : ce serait la fin du récit érotique, il faudrait se contenter désormais de ce type là… Qui, lui, serait ravi de pouvoir copuler régulièrement ! Voyez comme Odette confond l’amour, et à présent le sexe, avec son pouvoir de séduction :

On a rompu parce qu’on n’avait pas du tout les mêmes rêves de vie. C’est comme si tu rêves de faire le tour du monde en bateau et que ton mec a le mal de mer. Je n’avais pas les mêmes envies sexuelles, on n’avait pas les mêmes rêves de vie. Du coup, on a décidé de se séparer pour ça, et j’ai trouvé ça super mature de rompre de façon apaisée et bienveillante. C’est chouette. Ce que je tire de cette relation, c’est que c’est ok de rompre avec quelqu’un parce que vous n’avez pas les mêmes besoins sexuels. […]

D’après son hamster, elle a rompu parce qu’elle n’avait pas « les mêmes envies sexuelles » que le premier homme avec qui elle a eu du plaisir. Clairement, la raison n’est pas le sexe. Imaginez une fille qui vous dise : « Je te quitte parce que, niveau sexe, ça ne va pas : contrairement aux autres, tu me fais jouir. » Le sexe, même avec du plaisir, est moins important pour Odette que la continuation de sa quête hypergamique. Plaire, plaire… plaire encore !

Mais le temps passe sans se retourner (comme un connard), et voilà qu’Odette approche de la trentaine. Elle a beau être délurée, ses priorités s’infléchissent doucement vers davantage de sécurité.

Et maintenant je vais vous parler de ma dernière histoire. À 29 ans j’ai eu un énorme chagrin d’amour. C’était tellement traumatique ce chagrin que ça a complètement changé ma vie, ma vision des choses et de l’amour aussi. Je suis devenue la femme que je suis devenue aujourd’hui grâce à cette rupture. Et ça a aussi causé tellement de souffrances, tellement de désespoir et d’incompréhension que forcément ça m’a fait réfléchir à plein de trucs sur ce dont j’avais envie et je n’avais pas envie pour le futur.

Oui, il est difficile de « rompre de façon apaisée et bienveillante » quand c’est l’autre qui décide du largage. C’est moins chouette. Surtout quand on a 29 ans et que cette fois on attendait aussi de la sécurité affective et matérielle.

Je retire deux choses de cette rupture qui m’a arraché le cœur. La première chose, c’est pas moi qui l’invente, ce sont des chercheurs et des chercheuses qui ont bossé dessus, c’est que c’est souvent les femmes dans les couples hétérosexuels qui assument la charge financière et mentale de la relation. L’homme va investir son argent sur les biens matériels. C’est souvent les femmes qui vont juste payer les courses, les loisirs, les vacances. Ce qui fait que, à la fin, quand il y a eu le divorce, des ruptures, la femme se retrouve sans rien.

Non, Odette. Quand il y a un divorce — forcément précédé d’un mariage — il y a un partage du patrimoine commun du couple. Si c’est juste la rupture d’une relation informelle entre deux individus qui couchaient ensemble, leur vie économique se poursuit séparément pendant et après la relation.

Aucun investissement, pas de voiture, pas de maison, et l’homme lui garde ça, alors que la nourriture il l’a déjà mangé, les vacances il les a déjà consommées. C’est quelque chose que, je pense, je garderai toujours en tête, c’est de faire attention parce que les femmes sortent plus appauvris d’un divorce que les hommes.

Donc les femmes s’enrichissent en se mariant, n’est-ce pas ? Mais tu n’étais pas mariée avec ton Jules. Il a gardé sa voiture, sa maison et son sens de l’investissement à long terme. Tu lui as prêté ta chatte pendant la relation, après la rupture tu la gardes. Tout cela me semble équitable entre deux adultes qui ne se sont nullement engagés à passer le reste de leur vie ensemble.

Deuxième chose que j’ai appris, c’est que remettre son cœur dans les mains d’une seule personne, c’est pas forcément ouf. Même si vous êtes fous amoureux, faut quand même compter sur plusieurs personnes et plusieurs activités pour effectuer son bonheur. […]

Je répète pour ceux qui prennent l’émission en cours : l’attention sexuelle des hommes est la ressource fondamentale des femmes. L’attention de multiples hommes est plus sécurisante que l’attention d’un seul homme. Odette est déçue de sa brève tentative de monogamie. Ne bénéficier de l’attention que d’un seul homme — qui peut décider de rompre aussi bien qu’une femme ! — lui a fait très peur. Elle veut à nouveau mitiger le risque en diversifiant son portefeuille d’amants.

Et on arrive à la conclusion de cette vidéo : quelques années plus tard, à Noël, je suis toujours la cousine célibataire qui n’ai jamais vraiment restée longtemps avec quelqu’un. Et moi j’estime être une femme badass qui sait aimer, qui vit plein d’expériences absolument incroyables.

Le hamster gagne toujours.

Aujourd’hui, ça fait presque deux ans que je suis célibataire. Je souhaite continuer à être célibataire encore quelques années je pense, parce que j’ai pas encore défini ce que je voulais et ce que je voulais pas dans une relation.

Une remarque pour ceux qui espèrent rencontrer « une fille bien » et ne pas se faire de faux espoirs avec une Odette : il n’y a pas de « fille bien » qui serait dépourvue de l’instinct sexuel féminin. Toute femme est habitée par sa quête hypergamique, comme Odette. Mais de nombreuses femmes sont plus raisonnables qu’Odette. À la trentaine, elles ont assez bien défini ce qu’elle veulent ou pas dans une relation, et sont prêtes à se résigner à choisir un homme un peu moins qu’idéal… au moins jusqu’à ce que leur progéniture soit sortie de l’enfance. Le divorce pourra venir après.

Dans cette vidéo j’ai pas vraiment pu développer mes périodes de célibat. Je suis obligée de constater aujourd’hui que mes périodes de célibat ont été les périodes les plus créatives. Donc, si je retourne en couple un jour, ben j’aimerais ne pas perdre cette énergie. aujourd’hui j’ai quand même beaucoup réduit les rencontres et je suis beaucoup plus picky qu’avant.

Elle est pleinement dans la phase de sécurité : plus sélective que jamais, moins désirable que jamais. Heureusement que les braves hommes ne font pas trop les difficiles et sont souvent prêts à sauver une trentenaire capricieuse en échange de l’illusion de s’en faire aimer. Même ainsi, beaucoup d’Odettes refusent d’abaisser leurs critères de sélection assez vite pour rattraper le déclin de leur désirabilité. Les perspectives de bénéfices sont énormes pour les fabricants de croquettes pour chat.

Je me rends compte aussi que ce besoin énorme d’être aimée, il peut souvent m’amener, moi, à accepter des situations inacceptables. Et c’est un travail psychologique pas facile, et donc ça veut peut-être dire accepter de passer plus de temps toute seule et être moins « aimée » sur le coup, mais peut-être mieux aimée plus tard.

En clair : « Je ne veux pas descendre du manège, même s’il tourne de moins en moins bien. Je préfère être seule qu’avec un brave type sécurisant et continuer à rêver de l’homme idéal qui aurait toutes les qualités du connard sans les défauts. Le brave type peut attendre encore. »

Quelle est la place des rencontres et des applications de rencontres dans ma vie et dans ce constat en général ? Je dirais une place plutôt saine et safe. Je vais sur l’appli une fois par semaine à peu près. Je me débrouille pour rencontrer très vite les gens en vrai. D’ailleurs l’application […] a la possibilité de parler aux gens en visio avant de les rencontrer en vrai. Ou si vous voulez voir si le feeling passe, vous pouvez faire ça aussi. D’ailleurs, […] on peut maintenant certifier son compte, donc si ça vous angoisse de rencontrer des gens fake ou cheulous, je sais qu’il y a des comptes certifiés maintenant. Merci à [l’application] d’avoir sponsorisé cette vidéo on commence à voir une relation assez longue [l’application] et moi. Sûrement d’ailleurs la relation la plus longue de cette vidéo. De mon histoire. De ma vie en fait. Wouah.

Wouah. Grâce à ces applications de rencontre, des millions d’Odettes en recherche de sécurité peuvent passer en revue les candidats à distance, déjà triés et certifiés. Hélas, ce n’est pas aussi excitant qu’une aventure torride avec un « pervers-narcissique » rencontré n’importe où.

C’est vrai qu’on grandit beaucoup en pensant qu’à 30 ans on aura un CDI, un amoureux, des enfants, une maison. Moi, j’ai une petite caravane, une bande de copains vingtenaires. Je fais beaucoup de vélo, de roller, de stand up… Ça n’empêche pas de vivre des histoires et des relations incroyables, amoureuses ou amicales, même si ça ressemble pas à l’image qu’on se fait de l’épanouissement amoureux.

Ni de l’âge adulte…

Bonne chance, Odette. Je te souhaite de ne pas finir seule et amère. Déjà le discours que tu tiens sur ta vie laisse entendre des dissonances. Et je souhaite encore plus à l’homme qui acceptera de te chérir fanée, de rencontrer une Odette devenue capable de l’aimer un peu — un tout petit peu — mais sincèrement cette fois.

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