Le Mythe de la misogynie (1)

La misogynie est censée être omniprésente dans la société moderne, mais où se cache-t-elle exactement ? Depuis des décennies, les chercheurs ont cherché des preuves d’une discrimination manifeste à l’égard des femmes, ainsi que ses variétés plus subtiles comme le « sexisme systémique » ou les « préjugés implicites ». Mais au lieu de détecter la misogynie, ils continuent de repérer autre chose.

Considérons une nouvelle étude qui constitue l’une des tentatives les plus sophistiquées d’analyse des préjugés implicites. Précédemment, les chercheurs les traquaient généralement en mesurant des réactions d’une fraction de seconde devant des photos de visages : combien de temps faut-il pour associer chaque visage à un attribut positif ou négatif. Certaines études ont montré que les Blancs associaient plus rapidement les visages noirs à des attributs négatifs, mais ces expériences portaient souvent sur de petits échantillons d’étudiants. Pour cette étude, une équipe de psychologues dirigée par Paul Connor, de l’université de Columbia, a recruté un échantillon national représentatif d’adultes et leur a montré plus que des visages. Les participants ont vu des photos du d’hommes et de femmes de races et d’âges différents, corps entier, vêtus de tenues allant de costumes et de blazers bien coupés jusqu’à à des sweats à capuche, T-shirts et débardeurs débraillés.

Qui avait des préjugés contre qui ? Les chercheurs n’ont trouvé aucune tendance cohérente selon la race ou l’âge. Les participants étaient plus prompts à associer des attributs négatifs aux personnes portant des vêtements plus débraillés, mais ce biais était relativement faible. Un seul préjugé fort et constant est apparu. Les participants de toutes les catégories — hommes et femmes de toutes les races, de tous les âges et de toutes les classes sociales — étaient plus prompts à associer des attributs positifs aux femmes et des attributs négatifs aux hommes.

Les participants n’étaient pas coupables de misogynie mais de son contraire : la misandrie, un préjugé contre les hommes. Cette étude n’a fait que mesurer des réactions inconscientes, et ne prouve donc pas qu’ils pratiquent la discrimination à l’égard des hommes. Les nombreux détracteurs de la recherche sur les préjugés implicites soutiennent que les mesures du « racisme inconscient » des individus n’ont que peu de rapport avec leur comportement conscient. Mais lorsqu’il s’agit de détecter la misandrie, il n’est pas nécessaire de sonder l’inconscient pour la trouver. Il existe des preuves accablantes de discrimination consciente, flagrante et généralisée à l’encontre des garçons et des hommes dans les sociétés modernes.

Si vous n’avez pas entendu parler de ces preuves, c’est à cause du parti pris misandre bien documenté dans le débat public sur les questions de « genre ». Les universitaires, les journalistes, les politiciens et les militants accorderont de l’attention à une petite étude très imparfaite si elle prétend trouver des préjugés contre les femmes, mais ils ignoreront — ou s’efforceront d’étouffer — les nombreuses recherches solides qui démontrent le contraire. Il y a trente ans, des psychologues ont identifié l’effet « les-femmes-sont-merveilleuses », sur la base de recherches montrant que les deux sexes avaient tendance à évaluer les femmes de manière plus positive que les hommes. Cet effet a été confirmé à maintes reprises — les femmes sont mieux notées que les hommes en termes d’intelligence et de compétence — et c’est évident dans la culture populaire.

La « masculinité toxique » et « le poison de la testostérone » sont largement accusés d’être à l’origine de nombreux problèmes, mais on n’entend pas beaucoup parler de la « féminité toxique » ou du « poison de l’œstrogène ». Qui critique la « femsplication » ou prétend « croire tous les hommes » ? Si le « patriarcat » régnait réellement sur notre société, le père type des feuilletons télévisées ne serait pas un « père imbécile » comme Homer Simpson, et les publicités ne montreraient pas sans cesse des épouses plus malignes que leurs maris. (Quand avez-vous vu pour la dernière fois un personnage de mari, à la télévision, qui comprend quelque chose?) La misandrie grossière a fait la fortune du film Barbie, qui se plaît à dépeindre les hommes comme des partenaires romantiques infortunés, des imbéciles larmoyants, des bouffons violents et des tyrans crétins qui devraient laisser les femmes diriger le monde.

De nombreuses études ont montré que les deux sexes se soucient davantage des préjudices subis par les femmes que par les hommes. Les hommes sont punis plus sévèrement que les femmes pour le même crime, et les crimes contre les femmes sont punis plus sévèrement que les crimes contre les hommes. Les institutions pratiquent ouvertement la discrimination à l’égard des hommes dans les politiques d’embauche et de promotion, et une majorité d’hommes et de femmes sont favorables aux programmes d’action positive en faveur des femmes.

Le monde de l’éducation est obsédé depuis des décennies par la pénurie de femmes dans certaines disciplines scientifiques et techniques, mais peu s’inquiètent du fait que les garçons sont largement distancés selon presque tous les critères académiques, de la maternelle aux études supérieures. Lorsque les garçons terminent le lycée (s’ils y vont), ils sont tellement en retard que de nombreux établissements d’enseignement supérieur abaissent les critères d’admission pour les garçons — un rare exemple de discrimination en faveur des hommes, bien qu’elle ne soit pas motivée par le désir d’aider les hommes : les responsables des inscriptions le font parce que de nombreuses femmes répugnent à s’inscrire dans un établissement où le ratio hommes-femmes est trop déséquilibré.

Les disparités entre les hommes et les femmes ne sont généralement prises en compte que si elles jouent en défaveur des femmes. En calculant son Global Gender Gap, le rapport annuel tant cité, le Forum économique mondial a explicitement ignoré les désavantages masculins : si les hommes s’en sortent moins bien sur une dimension particulière, un pays obtient tout de même une note parfaite pour l’égalité sur cette mesure. Poussés par la loi fédérale [américaine] Titre IX interdisant la discrimination sexuelle dans les écoles, les éducateurs se sont concentrés sur l’élimination des disparités dans l’athlétisme, mais pas dans les autres programmes extrascolaires, qui sont majoritairement féminins. Le fait qu’il y ait aujourd’hui trois étudiantes pour deux étudiants ne préoccupe pas le Gender Policy Council de la Maison Blanche. Sa « stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes » ne mentionne même pas les difficultés des garçons à l’école et se concentre exclusivement sur les nouveaux moyens d’aider les étudiantes à prendre de l’avance.

Bien sûr, les femmes ont souffert dans le passé d’une franche discrimination, mais la plupart des institutions américaines ont éliminé ces barrières il y a au moins 40 ans. Depuis 1982, les femmes représentent la majorité des diplômés de l’enseignement supérieur et dominent dans de nombreux autres domaines clés. Non seulement elles vivent plus longtemps que les hommes, mais elles bénéficient également d’une part plus importante du financement fédéral de la recherche médicale. Elles sont beaucoup moins susceptibles d’être victimes d’accidents mortels au travail ou de se suicider. Elles reçoivent la plus grande part des prestations sociales (alors que les hommes paient la plus grande part des impôts). Elles décident comment dépenser la majeure partie du revenu familial. Les femmes sont à l’origine de la plupart des divorces et sont beaucoup plus susceptibles d’obtenir la garde des enfants. Bien que les hommes aient une longueur d’avance à certains égards — les politiciens adorent dénoncer « l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes » et le « plafond de verre » censé limiter les femmes — il a été démontré que ces disparités sont en grande partie, voire entièrement, dues à des préférences et à des choix personnels, et non à la discrimination.

Pourtant, la plupart des gens croient encore au mythe de « la misogynie omniprésente », comme l’ont conclu les psychologues sociaux Cory Clark et Bo Winegard dans Quillette, après avoir étudié la littérature de recherche sur les préjugés sexistes. Notant qu’une recherche Google Scholar sur la « misogynie » a donné 114 000 résultats, alors qu’une recherche sur la « misandrie » n’en a donné que 2 340, ils écrivent : « Nous pensons que cette différence d’intérêt pour la misogynie par rapport à la misandrie ne reflète pas la prévalence relative de chaque type de préjugé, mais plutôt une plus grande préoccupation pour le bien-être des femmes que pour celui des hommes. Tous les arguments, anecdotes et données avancés pour étayer la thèse selon laquelle nous vivons dans une société implacablement misogyne pourraient en fait être la preuve du contraire ».

Oui, le mythe de la misogynie persiste parce que les deux sexes veulent y croire. Notre plus grande préoccupation pour le bien-être des femmes est probablement un préjugé inné, apparu parce qu’il a aidé l’espèce à se multiplier. Du point de vue de la reproduction, les hommes sont « sacrifiables », ce qui n’est pas le cas des femmes. On attend des hommes qu’ils sacrifient leur vie pour défendre les femmes dans toutes les cultures, depuis les bandes de chasseurs-cueilleurs jusqu’aux nations modernes comme l’Ukraine, qui a permis à des millions de femmes de fuir l’invasion russe et a exigé de tous les hommes de moins de 60 ans qu’ils restent et se battent.

Cet instinct de protection des femmes a été essentiel à la survie des sociétés, mais il a aussi fait de nous des proies faciles pour tout un secteur d’universitaires, de journalistes, de militants, de lobbyistes et de bureaucrates qui accusent à tort le sexisme d’être à l’origine de tout écart entre les sexes qui ne favorise pas les femmes. Le mythe de la misogynie a servi les intérêts de ce secteur de la « diversité », mais il est extrêmement préjudiciable au reste de la société, aux femmes comme aux hommes.

(Suite…)

Bibliographie

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