Elles et lui : l’effet Neptune

Neptune, huitième et dernière planète de notre système solaire est la seule à avoir été découverte non par observation — directe ou à l’aide d’un dispositif — mais par déduction.

Alors qu’il est en train d’observer Uranus, l’astronome Alexis Bouvard remarque des incohérences dans la course de la planète. Il publie le résultat de ses observations et conclut… qu’il ne peut pas conclure. Il suppose alors l’existence d’un objet céleste de taille conséquente dans les abords d’Uranus. Plusieurs mathématiciens se mettent au travail et c’est le Français Urbain le Verrier, spécialiste de mécanique céleste, qui publie le 10 novembre 1845 son premier mémoire « Sur la planète qui produit les anomalies observées dans le mouvement d’Uranus », suite à quoi, le 23 septembre 1846, la planète Neptune est découverte à l’endroit indiqué.

Pour vous expliquer ce que j’appelle un « effet Neptune » dans le cadre des relations sociales, je vais vous raconter une histoire qui m’est arrivé. Les conséquences d’un divorce douloureux s’éloignaient, j’avais obtenu la garde de ma fille et récupéré mon logement. Je commençais à revivre. J’ai rencontré Élisabeth à une soirée organisée par son patron. Elle avait un fils, du même âge que ma gamine. J’ai eu l’audace de prendre son numéro de téléphone et de lui proposer de sortir avec nos enfants. Puis nous nous sommes vus entre adultes et nous avons fait l’amour chez elle, la première fois. C’était torride, langoureux, extatique et ça a duré l’après-midi entière. Je me sentais vivant, je croyais que c’était bon : j’allais construire une belle et nouvelle relation, une famille recomposée comme on dit.

Mais au bout de trois jours, les choses ont déraillé. On se voyait deux fois par semaine, sur sa pause méridienne, on baisait comme des lapins priapiques et rien de plus… Je proposais un dîner, une soirée… elle ne répondait pas, ou après, elle bottait en touche, s’excusait vaguement… et elle revenait chez moi se faire baiser — elle était toujours prête et partante.

J’ai fini par ne plus pouvoir et j’ai mis fin à la relation — mais de quelle nature était-elle ? Et je me suis tapé un beau coup de blues. Je ne comprenais pas, je rejouais le film, quel avait été mon rôle ? Hélas il n’y avait plus mon nom à l’affiche.

J’ai alors eu l’étrange idée de créer un faux compte Facebook, au nom d’une jeune fille qui partageait la même passion qu’Élisabeth, et je suis entré en contact avec elle. Nous avons échangé longuement et je dois dire que vivre la vie d’une femme sur les réseaux est très surprenant. J’ai alors appris qu’elle était en couple depuis longtemps — c’est-à-dire durant le laps de temps de notre «  relation ». Je pouvais relier les pointillés, les absences de réponse, les jours sans nouvelles, les soirées impossibles… Tout devenait clair, il y avait un Neptune dont l’existence perturbait l’orbite de la planète dont je tentais la découverte.

Dès lors, quand, dans une relation, je sens que la communication se grippe, qu’elle répond moins vite, que cela devient moins facile, que certaines choses sont impossibles, que j’ai droit à un silence alors que je propose du concret… je soupçonne un effet Neptune. Je sais que je ne suis pas le seul. Et je tourne les talons, du plus vite que je peux, pour me sortir de ce bourbier.

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