Une femme peut-elle avoir un enfant involontairement ?

Réponse courte : Non. Pas aujourd’hui et pas en France, où tous les moyens de contraception sérieux sont disponibles, légaux et remboursés. Bien. Vous pouvez retournez sur votre réseau social préféré, merci d’être passé.

Réponse longue : Non, techniquement non… mais il y a quand même une couille ou deux dans l’histoire.

Voici un tableau presque exhaustif des moyens de contraception actuels. Les trucs pour les filles en rose, ceux pour les garçons en bleu (le Retrait a décidé qu’il se sentait de genre neutre, merci de respecter son sentiment). Je vous laisse y jeter un œil et nous nous retrouvons juste après :

En synthèse : les femmes ont à leur disposition 17 modes de contraception réversibles, plus 3 utilisables après l’acte sexuel et deux modes d’avortement disponibles plusieurs semaines après le début de la grossesse. (Je n’ai pas compté le Retrait, il est parti bouder parce que quelqu’un lui a dit qu’il était masculin.)

L’avortement, c’est le Ctrl + Z de la sexualité. Il fonctionne aussi bien pour corriger un banal raté contraceptif que pour effacer une étreinte trop hasardeuse quoique bien torride sur le moment. Et l’on peut hésiter jusqu’à trois mois avant de renvoyer le colis, bien mieux que la Redoute et les Trois Suisses !

Une femme ne peut avoir un enfant involontairement en France aujourd’hui. La contraception est efficace, légale, remboursée, accessible même aux mineures (parfois gratuitement), et en cas de pépin l’avortement assure le SAV. Ou alors… Je ne sais pas… C’est Alien qui l’a prise pour Ellen Ripley ? Ou le Saint-Esprit qui vient refaire un Jésus en choisissant la France pour changer un peu ? Ou le gynécologue qui a oublié son stagiaire à l’intérieur ?

Mais il y a bien autre chose que des techniques contraceptives impliquées dans les grossesses involontaires. Avant de toucher à ce sujet délicat, un entracte :

Un homme peut-il avoir un enfant involontairement ?

Réponse courte : Oui. De rien.

Quoi ? Une réponse plus longue ? Et bien, prenez le tout petit tableau bleu des contraceptions masculines, joignez-y le Retrait s’il veut bien arrêter de bouder, et prenez tout votre temps pour méditer sur :

• L’efficacité des méthodes proposées aux hommes (à part la stérilisation… qui est définitive).

• La réaction d’une femme dans une relation régulière si l’homme insiste pour garder le préservatif. « Il voit d’autres nanas ? Il cache des maladies ? Il a déjà une épouse ailleurs ? Des enfants ? Je le dégoûte ? »

• L’absence total de solution de rattrapage après l’acte sexuel. « Ton sperme, mon choix. »

Fin de l’entracte.

Le déni de grossesse

Vous voyez à quoi ressemble une femme enceinte ? Passé un certain stade de la gestation, il est difficile de ne pas s’apercevoir du phénomène. Bien sûr, la première concernée est au courant avant tout le monde, dès la disparition des règles. S’il paraît déjà difficile de dissimuler l’état d’une femme enceinte jusqu’au terme de la grossesse, il semble encore plus extraordinaire que la première concernée se le dissimule elle-même. Et bien, ce n’est pas ce que nous apprend la littérature scientifique :

Le déni de grossesse est plus fréquent qu’on ne le pense. Une étude allemande a suggéré que l’incidence du déni de grossesse à plus de 20 semaines de gestation était de 1 sur 475 (0,21%). Cette incidence est supérieure à celle de la maladie hémolytique du nouveau-né (1 sur 1000) ou de la rupture utérine (1 sur 1500). Cette incidence a été corroborée par une étude autrichienne indiquant un taux de 1 sur 400 grossesses (0,25%) et une étude américaine suggérant une fréquence de 1 sur 516 naissances (0,19%).

Une série de 27 femmes autrichiennes présentant un déni de grossesse a indiqué que dans 11 cas, le déni s’est poursuivi jusqu’à l’accouchement, dans 9 cas, il s’est résolu entre la 27e et la 36e semaine, tandis que dans 7 cas, il s’est résolu entre la 21e et la 26e semaine de gestation. D’autres travaux suggèrent que l’incidence du déni de grossesse poursuivi jusqu’à l’accouchement est d’environ 1 sur 2455 à 1 sur 2500, ce qui est équivalent à la fréquence observée de l’éclampsie (1 sur 2500), ou trois fois plus fréquent que les naissances de triplés (1 sur 7225).

Angela Jenkins, Simon Millar et James Robins, « Denial of pregnancy — a literature review and discussion of ethical and legal issues », 2011

Pour environ 700.000 naissances annuelles en France, cela donne 280 cas de déni de grossesse jusqu’à l’accouchement. Sûrement de pauvres adolescentes issues de milieux aux mœurs arriérées ? Et bien non :

Il a été suggéré précédemment que les femmes qui refusaient de reconnaître leur grossesse étaient généralement jeunes, primipares, avec des difficultés d’apprentissage, un faible soutien social et des antécédents de toxicomanie ou de troubles psychiatriques. Cependant, il apparaît aujourd’hui qu’il n’existe pas de typologie précise du « déni de grossesse ». Au contraire, la majorité des femmes étudiées étaient âgées de 20 à 25 ans, multipares et bénéficiaient d’un bon soutien social. Beaucoup étaient étudiantes ou employées. Seule une minorité présentait une intelligence diminuée, une toxicomanie, un trouble de l’humeur ou une maladie psychiatrique. Il semble que les stress externes et les conflits psychologiques liés à la grossesse puissent conduire à un déni chez des femmes par ailleurs bien équilibrées. Cela suggère que les femmes qui refusent de reconnaître leur grossesse constituent un groupe hétérogène, sans caractéristiques clairement identifiables.

Autrement dit : les femmes sont susceptibles de dérailler sérieusement quand il s’agit de procréation. Les cas les plus extrêmes de déni de grossesse dans le style :

— POUSSEEEEZ MADAAAAME ! POUSSEEEZ !

— Mais puisque je vous dis que je suis pas enceinte ! Vous vous fatiguez pour rien cher docteur. Aaah, qu’est-ce que j’ai mal au bide aujourd’hui… Il vient quand votre collègue gastrologue, là ? Il verra bien, lui.

…sont le dessus de l’iceberg des dénis de grossesse moins radicaux, et peut-être de choix irrationnels beaucoup plus fréquents. Or, les formidables moyens de contraceptions disponibles aujourd’hui ne fonctionnent que si les femmes les utilisent rationnellement.

Quand l’alpha paraît…

C’est l’histoire de Maëva, une jeune femme éduquée, bossant au Service communication d’une quelconque institution. Elle est séduite par Diego, un Sud-Américain vaguement artiste, entreprenant avec les filles mais pas trop avec le boulot. Tantôt il l’emballe avec ses manières romantiques et son aura d’exotisme, tantôt il la rabaisse, la traite avec méchanceté. Quelques fois, il lui colle des tartes. Au bout de deux ans, elle finit par prendre conscience qu’elle vit une relation malsaine avec un type dont le cas relève de la psychiatrie et qu’elle doit en sortir (mieux vaut tard que jamais). Elle le quitte. Il s’empresse de partir à sa reconquête, avec le culot inoxydable des psychopathes narcissiques : lettres d’amour enflammées, supplications, bouquets de fleurs, et que sais-je… Elle craque et recouche avec. Sans contraception. Vous voyez venir le drame ? Elle, non. Je n’ai pas eu tous les détails sur la suite de l’histoire et pourquoi diable elle n’a pas eu recours à l’avortement. J’imagine qu’il a su lui tourner la tête encore douze semaines. En tout cas elle s’est retrouvée mère-célibataire à 26 ans, de l’enfant d’un type dont la contribution à la société française se résume à beaucoup d’éjaculations dans de nombreuses femmes (je l’ai connu bien avant elle, je peux témoigner que son tableau de chasse est impressionnant en qualité et en quantité).

Maëva voulait-elle cet enfant et les vingt ans de galère qui vont avec ? Certainement pas. Mais son instinct le voulait. L’enfant de l’Alpha viscéral. Celui qui a les qualités pour tenir le haut de la hiérarchie dans une tribu préhistorique et prendre toujours la meilleure part du mammouth : narcissisme, machiavélisme et psychopathie.

Une femme peut-elle avoir de la volonté en matière de sexualité ? Quand il s’agit de tirer le meilleur parti d’un gentil garçon qui aimerait tant devenir un compagnon fidèle et un solide pilier de famille, oui, certainement. Mais quand le désir d’alpha est là… c’est comme dans les romances, l’héroïne fait n’importe quoi.

L’instinct et la raison ne boxent pas dans la même catégorie

Le député Lucien Neuwirth obtint un entretien avec Charles de Gaulle pour plaider en faveur de son projet de loi libéralisant l’usage de la contraception. De Gaulle, qui n’y était pas favorable, l’écouta silencieusement pendant une cinquantaine de minute, et dit finalement : « Vous avez raison, transmettre la vie, c’est important. Il faut que ce soit un acte lucide. Continuez ! » S’il avait su la chienlit qui allait s’ensuivre, il se serait arraché la langue. La procréation n’est pas un acte lucide. Pas au niveau des individus : quand on est pris par le désir, il prend les décisions à notre place (chez les hommes aussi, juste un peu moins). Les contraintes de la société traditionnelle faisaient de la procréation un acte lucide, avec force pressions sociales et familiales. La contraception a défait la société traditionnelle et en conséquence la lucidité qui contrariait les instincts sexuels féminins et masculins. Depuis ce moment, nous sommes moins une société humaine qu’un vaste marché sexuel entièrement libéralisé.

Je vais donc rectifier la réponse à la question initiale : techniquement une femme ne peut avoir un enfant involontairement aujourd’hui, mais instinctivement elle peut bel et bien avoir un enfant contre sa raison. Conclusion : Préservatif et Retrait sont vos meilleurs potes. Ne les boudez pas.

  1. Antony

    Bonjour. Dans la section « Un homme peut-il avoir un enfant involontairement ? », vous oubliez le mensonge féminin sur la prise régulière d’un contraceptif. Par pure irresponsabilité, parfois ou par intérêt. Et cela n’est pas puni par la loi. Le père sera obligé d’assumer en cas de grossesse. Le plus terrible restant la femme prétendant vouloir un enfant, mettant tout en place pour que cela arrive puis, changeant d’avis au dernier moment, elle ira avorter sans même lui demander son avis. Le père devra accepter qu’on lui arrache son enfant sans moufter, sinon il sera traité de misogyne. L’horreur.

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