L’amour au féminin (3)

Osalnef ayant annoncé son retrait de l’androsphère et la possibilité de lire un dernier billet de sa main si l’on insistait, je me suis empressé de lui demander le texte et son autorisation de le publier sur les Effrontés. Voici la troisième partie. — TB

L’hypergamie à plus grande échelle

La responsabilité relative du patriarcat

« Reproductive Freedom, Educational Equality, and Females’ Preference for Resource-acquisition Characteristics in Mates », de Tim Kasser et Yadika S. Sharma, est l’une des études de référence pour réfuter l’idée d’une hypergamie féminine. Elle reprend les données d’une étude non moins prestigieuse mais validant l’hypergamie féminine, « International Preferences in Selecting Mates », de David M. Buss et al., pour comparer l’évolution de l’hypergamie en fonction de l’égalitarisme d’une culture. Sans revenir sur la pertinence des indices d’égalitarisme qui considèrent qu’une oppression des hommes est une forme d’égalité, je me permets de revenir une nouvelle fois sur les conclusions des chercheurs. Voici leur principales conclusions :

Les résultats de la présente étude appuient fortement l’idée que lorsque les cultures n’offrent pas aux femmes la possibilité de contrôler leurs propres capacités de reproduction ou d’atteindre des niveaux d’éducation égaux à ceux des hommes, les femmes valorisent chez leurs compagnons des niveaux élevés de caractéristiques d’acquisition de ressources telles que l’ambition, le statut et la sécurité financière.

Tim Kasser & Yadika S. Sharma, « Reproductive Freedom, Educational Equality, and Females’ Preference for Resource-acquisition Characteristics in Mates », 1999

Le patriarcat est en effet corrélé avec l’hypergamie, je ne le nie absolument pas. C’est l’hypergamie contextuelle, mais ce n’est pas le seul facteur. La liberté reproductrice y est pour beaucoup. Or, ce n’est pas le patriarcat qui est à l’origine de la nature gestatrice des femmes, c’est la nature elle-même. Cependant, ce serait la nature physiologique et non psychologique de la femme, il faut le préciser. Autrement dit, l’influence fondamentale n’est pas le patriarcat, mais la physiologie féminine, et ceci est une idée assez consensuelle et c’est simplement une conséquence de l’investissement parental (Robert L. Trivers, « Parental Investment and Sexual Selection »). En des termes plus crus, les femmes d’aujourd’hui sont moins hypergames parce qu’elles risquent moins de tomber enceinte de leur conjoint. Donc même si ce point montre que ce n’est pas forcément la psychologie féminine qui est responsable de cette hypergamie, difficile de voir en cela une forme d’amour envers les hommes… En fait, non sans ironie, c’est cette absence de pression gestatrice qui est responsable de la sociosexualité plus prononcée des hommes (le sexe sans lendemain, en gros), comportement qui leur vaut la réputation de goujat, de pervers ou de queutards incapables d’aimer les femmes pour autre chose que du sexe.

Cependant, malgré toute la bonne foi du monde pour accepter la position féministe, il y a un aspect de ces évolutions qui la réfute très simplement et que personne n’a la présence d’esprit de relever : ces évolutions concernent uniquement les femmes, pas les hommes. Peu importe le contexte, on n’observe pas de volonté déclarative hypergame de la part des hommes. Jamais les hommes ne déclarent des aspirations hypergames, et quand on observe (rarement) une hypergamie masculine, elles est strictement contextuelle et accompagnée d’une diminution du nombre de couple ou de leur stabilité (voir la partie sur la France). Or, ce n’est pas le cas pour les femmes, il y a donc bel et bien une hypergamie intrinsèque à la psychologie féminine. Ce n’est ni un secret ni une chose incertaine. Les sondages déclaratifs le prouvent (même, malgré eux, les sondages féministes) ainsi que l’accouplement réel.

« The Origins of Sex Differences in Human Behavior », de Alice H. Eagly et Wendy Wood, est une autre des études (féministes) majeures sur le sujet. Malheureusement, elle est très peu convaincante et présente les mêmes limitations que « Stepping out of the Caveman’s Shadow », de Marcel Zentner & Klaudia Mitura, par exemple. On observe en effet que les préférences d’accouplement se rejoignent parallèlement à l’égalitarisme d’une culture, mais ça ne concerne que les préférences masculines (en gros les hommes sont de moins en moins exigeants) ainsi que les différences genrées. Si les différences déclarées diminuent, ce n’est pas parce que les femmes accordent moins d’importance au statut ou aux revenus de leur partenaire potentiel. Voir aussi David P. Schmitt :

Zentner et Mitura (2012) se sont concentrés uniquement sur le changement dû à la différence globale entre les sexes, sur tous les attributs de préférence de partenaire combinés, laissant inaperçues et inexpliquées d’importantes variations dans les moyennes des hommes, les moyennes des femmes, et les changements incongrus des préférences de partenaire spécifiques des différents sexes. […] En combinant à tort leurs résultats sur les préférences de partenaire liées au statut et à la beauté, Zentner et Mitura peuvent avoir […] inspiré de fausses conclusions sur l’ensemble des cas individuels de préférences pour le partenaire en basant leurs jugements uniquement sur des cas groupés de préférences pour un partenaire, combinées toutes ensemble.

David P. Schmitt, « When the Difference is in the Details: A Critique of Zentner and Mitura “Stepping out of the Caveman’s Shadow: Nations’ Gender Gap Predicts Degree of Sex Differentiation in Mate Preferences” », 2012

Une approche génétique confirme tout cela. L’équipe de Maarten H.D. Larmuseau (« Long-term Trends in Human Extra-Pair Paternity: Increased Infidelity or Adaptive Strategy? », « A Historical-Genetic Reconstruction of Human Extra-Pair Paternity », « Cuckolded Fathers Rare in Human Populations ») estime que sans pilule contraceptive, la fraude à la paternité serait deux fois plus élevée qu’elle ne l’est actuellement. Ces mêmes études génétiques ont déterminé que la fraude actuelle oscillait entre 1 et 5% en fonction de l’époque et du milieu social, ce qui confirme les résultats de Mark A. Bellis et al. (« Measuring paternal discrepancy and its public health consequences ») qui font référence. Donc certes, un certain nombre de femmes acceptent aujourd’hui la compagnie d’hommes moins riches et prestigieux qu’elles ne l’auraient souhaité, mais c’est à la condition qu’un enfant ne naisse pas de cet « amour au féminin ». Si c’est cela la preuve de l’amour des femmes, alors un queutard qui enchaîne les conquêtes sexuelles devrait être perçu comme l’épitomé du romantisme auprès des femmes…

Gabriele Mari (« Is There a Fatherhood Wage Premium? A Reassessment in Societies With Strong Male-Breadwinner Legacies ») montre en parallèle que la « prime à la paternité » (l’augmentation de salaire quand un homme devient père, qui contraste avec le salaire féminin dont la progression ralenti) n’est pas causale, mais résulte en amont d’une sélection des hommes à haut potentiel de progression de revenus par les femmes. Là encore, phénomène consensuel et aussi appuyé par les études génétiques de Larmuseau. Pour faire simple, si vous êtes dans une région peu peuplée et aisée, et avant la révolution industrielle, le risque de fraude à la paternité est de moins d’1%, alors qu’un prolétaire en barre d’HLM voit ce risque atteindre les 6%. 6%, ça peut paraître faible, mais contextualisé à une salle de classe de 35 élèves, ça représente deux élèves en moyenne.

À l’inverse, dans un milieu aisé, on a 1 élève pour 3 classes. Sans se ridiculiser en criant à un complot féminin, avouez qu’il est difficile d’attribuer ce phénomène au hasard, il y a probablement un mécanisme sous-jacent. Le fait est que, peu importe l’angle d’attaque indépendant des autres, ce mécanisme semble être le même indique qu’il faut peut-être se rendre à l’évidence.

L’aspect économique

On retrouve ce consensus concernant l’aspect économique. Même l’étude de Kasser et Sharma est sans équivoque à l’échelle interculturelle : aucune corrélation avec la situation économique, donc ce ne peut pas être l’excuse invoquée pour justifier l’hypergamie féminine (elles sont plus pauvres, donc doivent trouver un mari plus riches qu’elles pour vivre décemment). Si l’émancipation (économique notamment) des femmes du patriarcat leur permet d’exprimer librement leurs désirs d’accouplement et qu’elles ne sont pas hypergames par nature, alors on devrait observer une corrélation négative entre richesse d’une femme et son hypergamie. Non seulement on n’observe pas cette corrélation, mais surtout, et contrairement aux résultats de Kasser et Sharma, à l’échelle interculturelle, on observe la corrélation inverse au sein de nos cultures modernes. Plus une femme est riche, moins elle souhaite se mettre avec un homme moins riche (lire : «  Whither Hypergamy? » de Kay Hymowitz, « All the Single Ladies » de Vincent Harinam et Rob Henderson, « The Mating Crisis Among Educated Women » de David M. Buss). Inutile de prétendre que ce serait en fait les hommes qui ont peur des femmes plus riches. C’est faux et c’est même précisément l’inverse (« Are men intimidated by highly educated women? Undercover on Tinder » de Brecht Neyt, Sarah Vandenbulcke et Stijn Baer).

Ce qui est assez cocasse, c’est qu’il suffit de laisser les femmes en roue libre, dénuée de la crainte d’être responsabilisées, et elles finissent par l’admettre d’elles-mêmes…

Les femmes peinent à trouver des hommes qui gagnent autant qu’elles
« Les femmes peinent à trouver des hommes qui gagnent autant qu’elles »
Les hommes fauchés bousillent les perspectives de mariage des femmes américaines
« Les hommes fauchés bousillent les perspectives de mariage des femmes américaines »
Pourquoi il est improbable que les femmes diplômées trouvent un homme qui leur ressemble.
« Le fossé des rencontres : pourquoi il est improbable que les femmes diplômées trouvent un homme qui leur ressemble. Dans de nombreux pays, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à obtenir leur diplôme. Mais selon Date-onomics, un nouveau livre sur la culture de la drague, il y a un inconvénient : il n’y a peut-être pas assez d’hommes éduqués pour tout le monde. Est-il temps d’élargir les recherches ? »

Jusqu’à ce qu’une des membres de la tribu féminine ne rappelle ses congénères à l’ordre pour avoir fait fuiter leur profonde mentalité inavouable :

Ne rejetez pas un mari potentiel à cause de ses revenus
« Ne rejetez pas un mari potentiel à cause de ses revenus »
Malgré un niveau éducatif supérieur, les femmes ont toujours tendance à choisir un mari avec un revenu plus élevé que le leur

J’ai constaté que la tendance des femmes à se marier à un niveau de revenu supérieur était plus importante lorsqu’elles se mariaient à un niveau d’éducation inférieur : Les femmes avaient 93% plus de chances d’épouser des hommes appartenant à des déciles de revenus plus élevés qu’elles dans les couples où la femme était plus instruite que le mari que dans les couples où la femme était moins instruite que le mari.

« Better-Educated Women Still Prefer Higher-Earning Husbands », entretien avec Yue Quian, 2016

Cette citation nous ramène aux propos concernant l’hypergamie liée aux diplômes. Les femmes peuvent, certes, accepter d’être hypogames en matière de diplôme, mais il faut pour cela que leur partenaire compense en ayant des revenus proportionnellement plus élevés. Ce phénomène se retrouve très clairement dans des pays très égalitaristes comme la Suède (Anne Boschini, Kristin Gunnarsson et Jesper Roine, « Women in top incomes, Evidence from Sweden 1971–2017 », 2020) ou la Norvège (Ingvild Almås, Andreas Kotsadam, Espen R. Moen et Knut Røed, « The Economics of Hypergamy », 2019). Exit, donc, l’éternelle tête de turc féministe qu’est le patriarcat :

Nous avons exposé les fondements théoriques de l’existence de l’hypergamie et nous avons présenté les preuves empiriques écrasantes que l’hypergamie est une caractéristique importante des modèles d’accouplement en Norvège. Les ménages sont systématiquement constitués de manière à ce que l’homme ait en moyenne le rang le plus élevé dans la distribution des revenus potentiels selon le sexe, et les hommes ayant de très faibles perspectives de revenus ont une forte probabilité de rester célibataires.

Si vous êtes l’heureux parent d’un jeune garçon hétérosexuel pas très scolaire, voici un fait qui pourrait le convaincre de poursuivre ses études. Valider un diplôme est son meilleur moyen pour trouver une femme car, au sein des individus diplômés, la pression sélective repose un peu plus sur les femmes qu’à l’accoutumée. Les hommes sont minoritaires au sein de ces cercles et les motivations des femmes les dissuadent de s’intéresser aux hommes en dehors de ce cercle (Daniel T. Lichter, Joseph P. Price, Jeffrey M. Swigert, « Mismatches in the Marriage Market », 2019). L’évolution du ratio genré de diplômés devrait rendre la situation encore plus appréciable pour ce jeune homme (le pourcentage de femmes par rapport aux hommes continue d’augmenter).

Le problème de Galton ne s’applique pas ici puisqu’on ne retrouve pas seulement ce phénomène au sein de cultures modernes et mondialisées, mais jusque dans des communautés isolées et pré-industrielles. Prenons en exemple les Bakweri, culture au sein de laquelle ce sont les femmes qui dominent et détiennent les richesses. Elles sont, comme pour les hommes diplômés, en sous-nombre par rapport aux hommes, donc en plus de cette domination sociale, elles ont, en plus, un plus grand choix de partenaire. Alors faites vos paris. Ces femmes sont-elles hypogames, homogames ou hypergames ? Sans surprise, elles sont hypergames, mais ça ne s’arrête pas là. Elles sont même encore plus hypergames que ce qu’on observe d’habitude ! Elles n’en sont d’ailleurs pas très satisfaites, car même là, elles en veulent toujours plus. Les femmes divorcent principalement parce que d’après elles, leur mari n’est pas assez lucratif (oui, c’est le terme qui convient à ce stade, pour une femme, le mariage est un investissement financier à moyen terme). Elles décident alors de se remarier pour recevoir une nouvelle dot [NdlR : plus exactement un douaire, les biens donnés lors d’une alliance par le mari à l’épouse] (Edwin et Shirley Ardener et al., « Plantation and village in the Cameroons, some economic and social studies », 1960).

Sérieusement, qui peut encore nier l’existence d’une nature hypergame de la femme ? Quand elles ont le pouvoir, elles ne sont pas moins hypergames. Les présomptions féministes sont parfaitement réfutées. Pire que ça, quand elles ont le pouvoir, elles sont encore plus hypergames. L’hypothèse explicative n’est pas seulement qu’elles ont une nature hypergame exacerbée par le patriarcat, mais qu’en fait ce patriarcat bride l’hypergamie féminine !

Les femmes Bakweri détiennent un plus grand pouvoir personnel et économique car elles disposent de plus de ressources et sont moins nombreuses que les hommes. Les femmes obtiennent des ressources non seulement par leur propre travail dans les plantations mais aussi par le sexe occasionnel, qui est une source de revenus lucrative. En raison de l’extrême déséquilibre numérique entre les sexes, les femmes disposent d’une latitude considérable pour choisir un compagnon. Les femmes ont plus d’argent que les hommes et plus de partenaires potentiels parmi lesquels choisir. Pourtant, les femmes Bakweri persistent à préférer les compagnons disposant de ressources. Les épouses se plaignent souvent de ne pas recevoir un soutien suffisant de la part de leurs maris. L’absence d’un soutien économique suffisant est la raison la plus fréquemment citée par les femmes pour divorcer. Les femmes Bakweri changent de mari si elles trouvent un homme qui peut leur offrir plus d’argent et payer un plus grand “prix de la fiancée”.

David M. Buss et David P. Schmitt, « Mate Preferences and Their Behavioral Manifestations », 2018

(Suite…)

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