Les garçons et les filles sont-ils notés également à l’école ?

C’est un incontournable dans la palette des doléances contemporaines : les femmes sont victimes de préjugés et de stéréotypes qui les empêchent de réussir leur scolarité aussi bien que les garçons. Certes, elles ont de meilleures notes en moyenne, sont majoritaires au baccalauréat et dans les études supérieures mais… pas dans les mathématiques et les sciences de l’ingénieur. Cette criante inégalité mobilise un bon nombre de chercheurs dans l’espoir de trouver, enfin, comment assurer la supériorité féminine dans toutes les disciplines scolaires.

Le désir d’expliquer la différence de résultats entre les deux sexes autrement que par leur sexe conduit parfois à des expérimentations surprenantes :

Tout d’abord, l’écart est quasi inexistant en mathématiques à l’âge de 4-5 ans, avec même un léger avantage pour les filles. Ensuite, un avantage significatif apparaît pour les garçons à l’âge de 6-7 ans, soit au moment de l’entrée au CP.

Une des principales difficultés de l’étude a été de faire passer des tests de mathématiques à des enfants qui ne savaient parfois pas encore compter.

Mehdi Bouzouina, « Ecole : comment se développe l’écart de niveau en maths entre filles et garçons », Les Échos, 2022

Chaque fois qu’une étude est publiée, elle contribue au débat par les allusions qu’on peut y faire sans trop d’esprit critique. Ainsi Étienne Ghys, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences écrivait dans une tribune publiée dans le Monde :

Une constatation surprenante est la rapidité extrême avec laquelle une différence se met en place entre les garçons et les filles en matière de mathématiques. Les chiffres sont vraiment alarmants. À l’entrée en CP, les garçons et les filles ont exactement les mêmes compétences en mathématiques.

Et pour cause : ils n’en ont pas.

A peine cinq mois plus tard, les garçons ont des résultats nettement meilleurs, et un an plus tard, à l’entrée en CE1, l’écart s’est encore creusé. Cela ne dépend ni du type d’école, ni de la position sociale, ni de l’âge des élèves.

Alors cela dépend du sexe, peut-être ? Non ? Trop simple ? Trop « stéréotype-de-genre-patriarcal » ?

Toutes les études sur les différences de résultats scolaires entre les filles et les garçons ne sont pas aussi déroutantes. Comparer les notes données à des copies anonymes et aux mêmes copies quand le sexe de l’élève est connu du correcteur semble une excellente façon de débusquer les préjugés conscients ou inconscients des enseignants.

Des chercheurs du monde entier — d’Israël à la Suède en passant par la France et la Tchéquie — ont étudié les comportements des enseignants en matière de notation, soit en demandant à des éducateurs de noter des travaux identiques d’élèves hypothétiques en changeant uniquement le sexe des élèves, soit en comparant les notes obtenues par des élèves masculins et féminins « aux compétences similaires », et ont constaté que les filles recevaient systématiquement de meilleures notes que les garçons.

Consolidant cette tendance, une étude récemment publiée a été menée sur près de 39.000 élèves de seconde en Italie.

Les auteurs, Ilaria Lievore et Moris Triventi, tous deux membres du département de sociologie et de recherche sociale de l’université de Trente, ont constaté que, pour des élèves ayant le même niveau de « compétence spécifique dans une matière », mesuré par les résultats de tests standardisés, les filles sont mieux notées que les garçons. En Italie, les élèves sont notés sur une échelle de 1 à 10, 6 étant la note passable. En mathématiques, les filles sont notées environ 0,4 point de plus que les garçons ayant des compétences similaires [NdT : donc 0,8 point de plus dans le système français de notation sur 20]. En langues, l’écart de notation entre les sexes est de 0,3 point en faveur des filles [NdT : 0,6 point sur 20].

Comme les chercheurs ont également obtenu des données sur les enseignants des élèves et les caractéristiques de la classe, ils ont cherché à savoir si le sexe de l’enseignant ou la taille de la classe avaient un effet sur la différence de notation. Hélas, ils n’ont trouvé aucun signe indiquant que les enseignants masculins étaient plus tendres avec les garçons. En outre, le fait qu’il y ait moins d’élèves dans une classe n’a pas atténué l’effet.

Les chercheurs en sont donc réduits à spéculer sur la cause du déséquilibre de notation.

Ross Pomeroy, « Boys are graded more harshly than girls. Why ? », Big Think, 2023

Grâce à ces études, on ne sait toujours pas s’il y a une cause à la sous-performance des filles en mathématiques (à part le sexe), mais on constate que la sur-performance des garçons est bien méritée. Le préjugé favorable accordé aux filles fait de l’état de garçon un léger handicap dans la compétition scolaire. Dans l’enseignement supérieur, cependant, un demi-point en plus ou en moins peut faire la différence entre réussir ou échouer à un concours.

« Les chercheurs en sont donc réduits à spéculer sur la cause du déséquilibre de notation. » Mmm… Le sexe, peut-être ? Trop simple ? Pour quel autre sujet les chercheurs refuseraient-ils d’accepter une corrélation manifeste ?

L’obstination idéologique de nos fervants « égalitaristes » peut faire sourire, mais elle a des conséquences jusque dans la vie professionnelle. Certaines entreprises élaborent désormais des systèmes de recrutement automatisés. Le but est de faire évaluer les candidats par une « intelligence artificielle » plutôt que par des recruteurs humains afin qu’un vilain préjugé ne fasse pas rater à l’entreprise un cerveau génial caché dans le crâne d’une transexuelle lesbienne obèse et racisée (c’est un exemple…). Petit souci : après avoir été gavée aux données, l’IA se verrait bien mettre plutôt des garçons que des filles aux postes d’ingénieur ! Ce biais misogyne n’est bien sûr pas tolérable par les Directrices des ressources humaines, ni par le Service de communication, ni par les Hautes Commissions à l’Égalité de Résultat. Les informaticiens (quasiment tous des garçons et désireux de bien faire), s’efforcent de corriger le penchant sexiste de leurs algorithmes. La Commission européenne elle-même surveille le dossier.

Le problème implicite peut se formuler ainsi :

— Soit l’IA a raison sur le sexe des ingénieurs et c’est une erreur de vouloir la « corriger »…

— Soit elle a tort et alors, pourquoi lui faire confiance sur les autres variables qu’elle traite ? Elle ne servirait donc à rien, sauf à introduire discrètement des préjugés idéologiquement corrects dans le recrutement.

Dans l’avenir, nous serons peut-être tous notés selon notre adéquation à des stéréotypes idéologiques. Mais il faudra encore des mathématiciens, des ingénieurs, des techniciens en nombre conséquent, tandis que les femmes continueront de choisir des études qui leur plaisent et de chercher l’homme digne de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs futurs enfants. L’idéologie peut bien se moquer de la raison ; le sexe se fiche de l’idéologie.

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