Rue des Mamours

C’est un livre de poche avec une couverture de Siné. Rue des Mamours c’est le titre, et l’auteur c’est Jacques Lanzmann. Il faisait des livres, M. Lanzmann, et puis des chansons pour Jacques Dutronc et d’autres gens. Quand il était petit, ses parents l’avaient placé dans une ferme parce qu’ils étaient fâchés avec les Allemands qui visitaient la France à cette époque, mais comme il préférait être peintre il a résisté pour changer d’occupation. Ensuite il pu être artiste peintre en bâtiment, mais ça ne lui plaisait plus autant alors il est parti au Chili pour faire mineur alors qu’il était déjà grand. Il a aussi été camionneur, joueur professionnel et contrebandier, comme dans les livres. Quand il a été fatigué d’être un personnage de livre il s’est mis à les écrire et voilà comment il a fait Rue des Mamours. C’est l’histoire d’un petit garçon, Nicolas, qui raconte la vie de son quartier (mais c’est quand même M. Lanzmann qui l’a écrit, parce que Nicolas il n’avait pas le temps à cause de l’école et de tout ce qui arrive dans sa rue). Nicolas et ses copains, ils sont rudement observateurs. Ils connaissent toutes les histoires des grandes personnes, ceux qui vont chez le psikiatre parce qu’ils ont trop mamouré et ceux qui y vont parce qu’ils ne mamourent plus. Par exemple :

M. Rudesco, il ne savait plus quoi faire pour raisonner sa femme, mais malgré tout il préférait la savoir au cleube plutôt que dans une chambre d’hôtel. Parfois même il venait la voir jouer à cinquante centimes le point et quand elle perdait il sortait son carnet de chèques et il donnait en une seule fois ce que ma mère gagne en un mois à la Samaritaine. La seule chose qui le consolait, c’est que M. Papin lui avait dit que le joueur était un être à sec sué parce qu’il ne peut penser en même temps aux cartes et à sa lit bido et que d’ailleurs il éprouvait une jouissance mâle en dominant son adversaire et même aussi une jouissance femelle quand il était dominé par un jeu meilleur que le sien.

M. Rudesco donc, d’une part il était consolé, mais de l’autre il travaillait comme un nègre pour arriver à payer les dettes de sa femme qui jouissait bien plus quand elle était dominée que quand elle dominait, et c’est pourquoi il avait essayé de lancer sur le marché une grande campagne de publicité pour inciter les Européens à acheter des espadrilles françaises, même que pour ça il s’était un peu associé à M. Adidas et qu’ils avaient pensé ensemble à une espadrille sur coussin de corde pour concurrencer les baskets sur coussin d’air. […]

M. Rudesco, heureusement, il avait la chance pour lui et en plus il préférait jouir en dominant ses adversaires que jouir en étant dominé par eux et c’est pourquoi, grâce à ses gains de poker, il arrivait à payer les dettes du gin de sa femme.

Vous voyez, Nicolas et M. Lanzmann connaissaient beaucoup de choses sur les grandes personnes et leur lit bido. Et aussi sur les éfaibes et les armateurs grecs, les arabes et les chèvres, les filles aux pairs, les Américains cancéreux et les bi secs suelles. D’ailleurs M. Lanzmann avait créé un magazine qui soignait la lit bido des messieurs avec des photos de dames, ça s’appelait Lui. Mais c’était une autre époque. Aujourd’hui les grandes personnes elles-mêmes ne semblent plus comprendre leur lit bido et comment mamourer, et même parfois si elles sont des femmes ou des hommes. Je crois que le livre de M. Lanzmann ne les amuserait pas, ce qui est dommage parce que moi j’ai bien ri. Ma grand-mère aussi elle aurait ri, même si elle aurait fait « Rhôôôo, il exagère ! » toutes les trois pages. Je le sais parce que c’est comme ça qu’elle écoutait les Grosses Têtes : « Rhôôôoo… Ils exagèrent. Hi hi hi ! » Ma grand-mère elle avait vécu, pas comme M. Lanzmann qui avait été contrebandier-peintre au Chili, mais assez pour connaître la lit bido même si elle n’en faisait pas des livres. Peut-être que les gens qui ne savent pas très bien s’ils sont des hommes, des femmes ou des hamsters ne mamourent pas assez, ou trop souvent avec d’autres hamsters qui ne savent pas non plus qui ils sont, ou peut-être qu’ils vont trop chez le psikiatre qui n’ose pas leur dire : « Regardez-vous dans une glace, merde ! Vous avez reçu un corps, vous n’en aurez pas d’autre alors arrêtez de me faire chier ! » En tout cas, si M. Lanzmann repassait par la rue des Mamours pour écouter les histoires des petits Nicolas d’aujourd’hui, il aurait beaucoup de choses tristes à raconter dans ses livres. Sans exagérer. Je le sais parce que M. Houellebecq le fait à sa place ; c’est moins drôle et beaucoup plus mêlant colique.

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