Séduction : la méthode Tom Sawyer

Tu veux savoir comment séduire les filles ? Comment draguer sans passer pour un gros lourd encore puceau ? Comment les rendre amoureuses de toi à coup sûr avec une méthode simple et efficace ? Tu as déjà essayé tous les sites des coachs en séduction, acheté leurs formations, appris la PNL, le reframing, le prizing et le kino… et maintenant tu cherches quelque chose de plus naturel… et surtout gratuit parce que tu as déjà cramé ton budget « devenir un alpha » ? Ne cherche pas plus loin ! Tu es au bon endroit : je vais t’expliquer la méthode Tom Sawyer. Et n’oublie pas de liker ce billet en montrant ta main pouce vers le haut à ton écran !

Tom Sawyer est un petit garçon du XIXe siècle. Il kiffe Becky Thatcher, une fille de sa classe (à l’école) mais pas de sa classe sociale (c’est la fille du juge, lui n’est qu’un orphelin recueilli par sa tante). Mais rien n’arrête Tom ! C’est un chad, à sa manière : il a le culot d’aborder Becky. Leçon n°1 : Sans culot, il ne se passe rien.

— Aimes-tu les rats ?

— Non, je les ai en horreur.

— Moi aussi… quand ils sont vivants. Mais je veux parler des rats morts, de ceux qu’on fait tourner autour de sa tête avec une ficelle.

— Non morts ou vivants, je n’aime pas les rats. Moi, ce que j’aime, c’est le chewing-gum.

— Moi aussi ! Je voudrais bien en avoir en ce moment.

— C’est vrai ? Moi j’en ai. Je vais t’en donner mais il faudra me le rendre. »

Comme c’était agréable ! Tom et Becky se mirent à mâcher alternativement le même morceau de gomme tout en se dandinant sur leur siège pour mieux manifester leur plaisir.

Aurais-tu osé entamer la conversation avec une fille en lui parlant de rats crevés ? Non, bien sûr. Le sujet n’est pas séduisant, il est même franchement dégueulasse. Mais Tom s’en fiche, il a pris la première idée qui lui passait par la tête et tu devrais en faire autant : qu’est-ce que ça peut foutre, le sujet ? Bénéfice : plus le sujet est éloigné d’une conversation de drague, plus on créé de la surprise et une incertitude sur ses intentions. Bien sûr, la conversation change rapidement de direction. Becky a suggéré le sujet suivant : le chewing-gum. Tom s’en saisi avec le même enthousiasme qu’il avait pour les rats. Leçon n°2 : Ce dont on parle est bien moins important que la joie d’en parler. Quand un sujet s’épuise, on passe à un autre. Aucune connexion logique n’est nécessaire, seule la vibe compte.

« Es-tu jamais allée au cirque ? fit Tom.

— Oui, et j’y retournerai avec papa si je suis bien sage.

— Moi, j’y suis allé trois ou quatre fois… des tas de fois. Au cirque, ce n’est pas comme à l’église, il y a toujours quelque chose à regarder. Quand je serai grand, je deviendrai clown.

— Oh ! Quelle bonne idée ! Les clowns sont si beaux dans leur costume !

— Je pense bien. Et puis ils gagnent de l’argent gros comme eux. Au moins un dollar par jour d’après ce que m’a raconté Ben Rogers.

Tom est réellement ambitieux. Il veut à la fois acquérir un statut lui assurant l’attention des autres et gagner plein de fric. C’est beaucoup plus séduisant que de vouloir devenir comme tout le monde et mener une vie modeste. Évidemment, son projet de devenir clown ne tient pas la route, mais cela ne fait que souligner son audace. Leçon n°3 : Tu seras irrationnellement sûr de toi. Et maintenant, sans plus attendre, Tom va sexualiser la conversation.

— Dis-moi, Becky, as-tu jamais été fiancée ?

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Et bien, as-tu été fiancée pour te marier ?

— Non.

— Ça te plairait ?

— Je crois que oui. Je n’en sais rien. Comment fait-on ?

— Il suffit de dire à un garçon qu’on ne se mariera jamais, jamais qu’avec lui. Alors on s’embrasse et c’est tout. C’est à la portée de tout le monde.

— S’embrasser ? Pourquoi s’embrasser ?

— Parce que, tu sais, c’est pour… euh… tout le monde fait ça.

— Tout le monde ?

— Bien sûr ! Tous ceux qui s’aiment.

Tom propose un truc nouveau pour Becky, donc excitant et inquiétant. « Tout le monde fait ça », prétend Tom pour atténuer l’aspect inquiétant. Pas tout à fait tout le monde : « tous ceux qui s’aiment », c’est à dire tous ceux qui vivent des trucs amusants plutôt que de s’ennuyer sagement. Si elle refuse, elle fera partie des ennuyeuses ennuyées. Ah, qu’il est habile ce garçon ! Tom va tester l’inclination de Becky à lui plaire en essayant d’obtenir qu’elle fasse pour lui quelque chose de moins sexuel que se laisser embrasser. Leçon n°4 : Sexualiser la conversation, ce n’est pas parler d’acte sexuel, c’est parler de plaisir.

— Tu te rappelles ce que j’ai écrit sur ton ardoise ?

— Heu… oui.

— Qu’est-ce que c’était ?

— Je ne te le dirai pas.

— Faut-il que ce soit moi qui te le dise ?

— Heu… oui… mais une autre fois.

— Non, maintenant.

— Non, pas maintenant… demain.

— Oh ! non, maintenant. Je t’en supplie Becky. Je te le dirai tout bas. »

Becky hésita. Tom pris son silence pour une acceptation.

Il chuchota doucement à l’oreille de la petite fille ce qu’il voulait dire.

« Et maintenant, c’est à toi de dire la même chose. »

Elle hésita un peu, puis déclara :

« Tourne la tête pour ne pas me voir et je le dirai. Mais il ne faudra en parler à personne. Promis, Tom ?

— Promis ! Alors, Becky ? »

Il tourna la tête. Elle se pencha timidement, si près que son souffle agita un instant les boucles du garçon. Et elle murmura :

« Je t’aime ! »

Quelle classe ce Tom ! Comme un vrai vendeur de meubles ou de bagnoles : jamais arrêté par une objection, il a toujours une proposition pour rapetisser les obstacles psychologiques qui séparent sa cliente de l’acte d’achat. Notons bien la feinte : quand elle est presque convaincue, il la supplie de lui dire son mot doux à l’oreille. Là, les psycho-rigides sont horrifiés : « Noooon ! Il ne faut pas s’abaisser à supplier une fille. Un homme doit être tout le temps comme un bloc de granit au sommet d’une montagne : dur, froid et inaccessible. » Erreur, fatale erreur ! À quoi servirait un homme à une femme s’il demeurait invulnérable devant elle ? Qu’il soit fort et invincible avec le reste du monde, oui, mais il doit finir par fondre pour elle. C’est la trame la plus typique des romances que les femmes aiment tant : à la fin, l’homme dominant que convoitait l’héroïne depuis les premières pages lui avoue qu’il a toujours été fou d’elle et qu’il veut l’épouser. Fin de l’histoire (alors que pour l’homme c’est le début : il va enfin pouvoir la sauter !). C’est ce qui achève de dissiper les résistances de Becky : elle ne dit plus rien et Tom, qui a le bon sens de ne pas attendre un consentement explicite, passe à l’action. Elle lui rend son tendre aveu. Test de complaisance réussi ! Leçon n°5 : Toute relation commence par la curiosité et progresse vers la sécurité. Mais cela ne scelle pas encore la victoire de Tom. Il reste l’enjeu suprême : le sexe. Dans cette histoire d’enfants, il s’agit seulement d’un baiser, mais c’est aussi important pour Tom et pour Becky que le coït pour des adultes. Becky a naturellement des résistances de dernière minute — ne serait-ce que pour faire durer le plaisir d’être désirée !

Alors la petite se leva d’un bond et galopa autour des bancs et des pupitres. Finalement, elle alla se réfugier dans un coin et ramena son tablier blanc sur son visage. Tom la prit par les épaules.

« Maintenant, Becky, il ne manque plus que le baiser. N’aie pas peur, ce n’est rien du tout. »

Tout en parlant, Tom lui lâcha les épaules et tira sur son tablier. Becky laissa retomber ses mains. Son visage apparut. La course lui avait donné des joues toutes rouges. Tom l’embrassa.

Après le sexe, le couple existe pour de bon. La phase de séduction est finie, l’entretien de la relation commence.

« Ça y est, Becky, dit-il. Après cela, tu n’aimeras plus jamais que moi et tu n’épouseras jamais personne d’autre que moi. C’est promis ?

— Oui, Tom. Je n’aimerai jamais que toi et je n’épouserai jamais que toi, mais toi, tu n’aimeras jamais quelqu’un d’autre, non plus ?

— Évidemment. Évidemment. C’est toujours comme ça. Et quand tu rentreras chez toi ou que tu iras à l’école, tu marcheras toujours à côté de moi, à condition que personne ne puisse nous voir… Et puis dans les réunions, tu me choisiras comme cavalier et moi je te choisirai comme cavalière. C’est toujours comme ça que ça se passe quand on est fiancé.

— Oh! c’est si gentil ! Je n’avais jamais entendu parler de cela.

— Je t’assure qu’on s’amuse bien. Quant à moi et Amy Lawrence… »

Oh non, Tom ! Pourquoi cette sortie de route alors que tu avais conduit comme un champion jusqu’ici ?

— Les grands yeux de Becky apprirent à Tom qu’il venait de faire une gaffe. Il s’arrêta, tout confus.

« Oh ! Tom ! Alors je ne suis donc pas ta première fiancée ? »

La petite se mit à pleurer.

« Ne pleure pas, Becky, lui dit Tom. Je n’aime plus Amy.

— Si, si Tom… Tu sais bien que tu l’aimes… »

Tom aurait pu goûter son bonheur un peu plus longtemps s’il n’avait pas mentionné son ex au mauvais moment. Mais le drame serait venu quand même, et sûrement assez vite car… Les filles adorent le drame ! Une relation stable, sûre, loyale, c’est ennuyeux pour elles. Si aucune autre femme ne convoite leur mec, que vaut-il ? Ne s’est-elle pas trompée sur sa valeur ? Et lui, pourquoi se contente-t-il de leur relation ? Est-il moins audacieux qu’il lui avait paru au début ? Moins viril ? Leçon n°6 : N’évitez pas le drame dans la relation, les femmes ont besoin. C’est difficile à comprendre pour les hommes, qui préféreraient tous vivre une relation tranquille avec leur copine. Même un séducteur talentueux comme Tom ne sait pas bien comment gérer la situation.

Tom essaya de la calmer à l’aide de tendres paroles, mais elle l’envoya promener. Alors l’orgueil du garçon l’emporta. Tom s’éloigna et sortit dans la cour. Il resta là un moment, fort mal à son aise et regardant sans cesse vers la porte dans l’espoir que Becky viendrait à sa recherche. Comme elle n’en fit rien, notre héros commença à se demander s’il n’était pas dans son tort. Quoi qu’il lui en coûtât, il se décida enfin à retourner auprès de son amie. Becky était toujours dans son coin à sangloter, le visage contre le mur. Le cœur de Tom se serra.

Il resta planté là un moment, ne sachant comment s’y prendre. À la fin, il dit en hésitant :

« Becky, je… je n’aime que toi. »

Mais il n’obtint pas d’autre réponse que de nouveaux sanglots.

Mauvaise tactique. On ne sort pas du drame en essayant de l’apaiser. Essaye autre chose, Tom.

« Becky, implora Tom, Becky, tu ne veux rien me dire ? »

Il tira de sa poche son joyau le plus précieux, une boule de cuivre qui jadis ornait un chenet. Il avança le bras de façon que Becky puisse l’admirer.

« Tu n’en veux pas, Becky ? Prends-là. Elle est à toi. »

Becky la prit, en effet, mais la jeta à terre.

C’est encore pire et c’est la leçon n°7, la plus importante peut-être : On ne peut négocier le désir.

Alors Tom sortit de l’école et, bien décidé à ne plus retourner en classe ce jour-là, il se dirigea vers les coteaux lointains.

Au bout d’un certain temps, Becky s’alarma de son absence. Elle se précipita à la porte. Pas de Tom. Elle fit le tour de la cour, pas de Tom !

« Tom ! Tom, reviens ! » lança-t-elle à pleins poumons.

Elle eut beau écouter de toutes ses oreilles, aucune réponse ne lui parvint. Elle n’avait plus pour compagnon que le silence et la solitude. Alors, elle s’assit sur une marche et recommença à pleurer et à se faire des reproches. Bientôt elle dut cacher sa peine devant les écoliers qui rentraient, et accepter la perspective d’un long après-midi de souffrance et d’ennui, sans personne à qui pouvoir confier son chagrin.

Sans le savoir, Tom a trouvé la bonne attitude : son retrait rehausse le drame dans le cœur de Becky. Le grand manège émotionnel alternant excitation, plaisir, bonheur et sentiment de perte du bonheur remplit l’existence de cette petite fille de quelque chose de précieux, infiniment désirable, qu’elle voudra vivre à nouveau. Elle retournera à la source de sa passion, vers Tom. Aucun garçon timide et docile ne pourra se comparer à lui.

Résumé du cours :

  • Leçon n°1 : Sans culot, il ne se passe rien.
  • Leçon n°2 : Ce dont on parle est bien moins important que la joie d’en parler.
  • Leçon n°3 : Tu seras irrationnellement sûr de toi.
  • Leçon n°4 : Sexualiser la conversation, ce n’est pas parler d’acte sexuel, c’est parler de plaisir.
  • Leçon n°5 : Toute relation commence par la curiosité et progresse vers la sécurité.
  • Leçon n°6 : N’évitez pas le drame dans la relation, les femmes ont besoin.
  • Leçon n°7 : On ne peut négocier le désir.

Tom Sawyer est un roman de Mark Twain écrit pour les enfants et les grandes personnes en 1876. Es-tu surpris qu’un très vieux livre pour les gamins soit totalement pilule rouge sur la séduction ? Je vais te dire un secret qui t’évitera de perdre du temps dans ta progression : n’importe quel livre ou film conçu avant la Révolution sexuelle (en gros, avant les années 1960-70) t’apprendras plus sur les relations humaines que toutes les méthodes et les idéologies actuelles. Alors fais-moi un gros pouce levé devant ton écran, et n’oublie pas de t’abonner en revenant sur les Effrontés quand tu en as envie !

Write a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *