Dans ce billet je vais donner un aperçu des phases typiques de la vie sexuelle féminine. La chronologie exacte peut varier d’une femme à une autre, certaines phases peuvent ne pas avoir lieu — surtout les phases tardives — mais le schéma d’ensemble est facilement observable autour de soi, dans cette époque de libéralisme sexuel.
Depuis que les forums, les blogs, puis les réseaux sociaux ont aidés des hommes à partager leur expérience des relations entre les deux sexes, une théorie des comportements sexuels féminins a émergé, appelée « pilule rouge » (faute d’un meilleur terme). Ce n’est pas une théorie académique mais praxéologique, c’est à dire basée sur l’action. La recherche académique valide ses modèles par des données, la pilule rouge se valide par l’observation directe et les résultats pratiques.
L’hypergamie est un mot utilisé par les anthropologues et les démographes pour désigner la préférence universelle des femmes pour les hommes de statut social plus élevé que le leur. Dans le contexte de la pilule rouge, la notion d’hypergamie s’est élargie pour inclure également la préférence féminine pour les hommes ayant un potentiel de dominance personnelle (c’est-à-dire une supériorité non conférée par la société) : taille, ossature, musculature, audace, narcissisme, égocentrisme, etc. Ce versant primitif du désir féminin est rarement détecté par les chercheurs penchés sur leurs données. La plupart des garçons, en revanche, ont pu l’observer anecdotiquement à un moment ou un autre de leur vie en se demandant pourquoi une fille de leur connaissance s’énamourait d’un type peu agréable et aussi peu conforme aux attentes habituellement exprimées par les femmes. La sexualité féminine est une stratégie double (stratégie au sens biologique : ce sont les gènes qui ont une stratégie, les individus n’en sont pas conscients). D’un côté les femmes aimeraient un partenaire le plus valable possible du point de vue social (aisance économique, éducation, statut hiérarchique ou symbolique élevé, etc.), mais de l’autre elles désirent un partenaire supérieur du point de vue de leur instinct de primate (fort, audacieux, capable de tout). Les hommes de statut attractif sont modérément rares, le niveau socio-éducatif des femmes étant passé au dessus de celui des hommes dès la fin des années 1960. Les hommes intrinsèquement dominants sont nettement plus rares, la plupart des garçons essayant avec bonne volonté de se conformer aux attentes exprimées par les femmes (égalitarisme, douceur, dévirilisation). En conséquence, les hommes réunissant à la fois statut social et dominance personnelle sont doublement rares. Inévitablement, pour la plupart des femmes, la quête hypergamique ne peut jamais atteindre son idéal. Aussi longtemps qu’elles s’estiment désirables, elles rêvent de trouver mieux que leur homme actuel, soit sur le plan social et civilisé (bêta), soit sur le plan instinctif et animal (alpha). La chronologie de l’hypergamie représente le balancement entre ces deux désirs contradictoires.
De la puberté jusque dans la vingtaine, les filles préfèrent fréquenter des garçons ayant un physique attrayant et une attitude hardi. Bien sûr, le style peut varier selon les préférences personnelles. Le garçon créatif et ténébreux a ses chances, le narcissique et le psychopathe aussi. Le statut social est encore peu attrayant : d’une part les jeunes femmes sont approvisionnées par leur famille et n’ont pas besoin de sécurité, d’autre part les jeunes hommes sont rarement en position de fournir de la sécurité matérielle à ce stade de leur vie.
La phase de rupture est la période où les filles voient leur liberté s’accroître considérablement en passant du lycée aux études. Si elles avaient jusqu’ici un copain, il représente un frein à leur quête hypergamique alors que leur potentiel de séduction continue d’augmenter. La plupart profiteront de ces « années de fête » pour essayer de conquérir le meilleur homme possible (et plutôt dans le sens instinctif que social). Le pire qui puisse arriver au garçon est de ne pas comprendre la rupture et de tenter d’entretenir la relation en alignant sa vie sur celle de sa copine (en bridant ses choix d’études et de carrière, voire ses loisirs, réduisant ainsi son potentiel masculin). Il n’est pas totalement impossible de faire sa vie avec sa copine de lycée, mais il faut pour cela avoir toujours été pour elle le meilleur choix possible. En ce cas, c’est elle qui aura suivi son homme dans ses choix existentiels, et non l’inverse.
À mesure que les femmes progressent dans leurs « années de fête », leur intérêt pour le statut social d’un homme s’accroît. Elles sortent avec des hommes un peu plus âgés qu’elles et sont plus attentives à leur milieu social, leur éducation et leur potentiel économique. Selon leur propre situation et leur tempérament individuel, cette période peut être plus ou moins exubérante. Toutefois, même une femme élevée dans un milieu conservateur, expérimentant peu ou pas de relations, passera par une mutation de sa perception de ce qui rend un homme attractif.
À l’approche de la trentaine, les femmes commencent à percevoir une baisse de leur désirabilité. Ce n’est pas, initialement, une révélation consciente ; il y a juste un je ne-sais-quoi dans l’air qui semble gâcher la fête et détourner une partie de l’attention des hommes. Cette ombre venant refroidir l’ambition hypergame d’une femme, c’est la présence de femmes plus jeunes qui sont, elles, au sommet de leur désirabilité. Bien sûr, la désirabilité d’une femme ne disparaît pas tout d’un coup à la trentaine. Mais son potentiel de séduire l’homme le plus désirable possible décline, compromettant sa quête hypergamique. Pour la première fois, elle envisage de modérer ses attentes et de consolider sa situation avec un homme moins qu’idéal. Ce changement de cap nécessite un effort de rationalisation pour justifier à ses propres yeux et au reste du monde son changement de comportement sexuel. (Voyez un cas exemplaire dans : À la recherche de l’attention perdue.)
À ce stade, l’hypergamie au sens anthropologique prend le dessus sur l’hypergamie instinctive. L’homme capable de fournir de la sécurité affective et matérielle est enfin perçu comme pleinement attractif. Si une femme, à ce stade, a une relation avec un alpha excitant, elle mettra toute son énergie à tenter de le convertir en un bêta rassurant. Si elle réussit à le civiliser, elle en sera un peu déçue. Si elle le perd, elle devra généralement se contenter de le remplacer par un bêta, mais le pragmatisme ne remplace pas un désir authentique. Les braves garçons qui jusqu’ici n’avaient pas mérité son attention peuvent candidater au rôle d’approvisionneur. N’ayant pas été très heureux en amour tant que les filles leur préféraient des hommes excitants, ils pensent que leur jour de chance est arrivé. Pire : ils croient voir dans l’attention dont ils bénéficient à présent la preuve que leur stratégie sexuelle conciliante était la bonne. Certes, l’attente fut un peu longue, mais les femmes se sont soudainement rendues compte de leur gentillesse et de leur serviabilité, en même temps qu’elles ont mystérieusement perdu leur intérêt pour les types au comportement dominant — les fameux « connards ». Ils sont donc ravis de pouvoir se dévouer de tout leur cœur et de toute leur force à leur princesse, en échange d’une sexualité tempérée et de la conviction d’être en train de construire une merveilleuse histoire d’amour qui durera toute la vie. Le divorce, c’est pour les autres, n’est-ce pas ?
Si vous êtes justement dans cette phase, je ne doute pas que vous me lisiez avec colère : « Quel épouvantable salaud ! Je n’ai jamais rien lu d’aussi misogyne ! Quel type immonde, abjecte ! » Je comprends. J’ai été vous. Toutes vos croyances candides et vos tendres espérances ont été miennes. Aujourd’hui je m’en veux d’avoir été si naïf, si longtemps. Certes, les femmes et toute la société encouragent les gentils garçons à garder leurs illusions romantiques. « Travaillez, soyez sage, un jour vous serez aimé pour cela. Et si ça ne marche pas, c’est que vous n’en aurez pas fait assez. Le succès des “connards” au plumard ? Oh… Ce ne sont que des accidents de parcours pour certaines femmes victimes de leur “emprise”. Attendez de trouver une femme bien (elle aura la trentaine au moins), qui saura reconnaître vos qualités discrètes et votre évidente utilité. Soyez patients. Et respectueux, surtout. » J’aurais dû me douter de quelque chose : le désir ne se négocie pas. On peut être apprécié pour sa contribution au confort du ménage, mais on ne peut être authentiquement désiré pour ce service.
Bien sûr, la chronologie exacte peut varier d’une femme à l’autre. Certaines filles réalistes, éduquées et modérément jolies peuvent anticiper le déclin de leur capacité à s’attacher un type potable et choisir de « descendre du manège » bien avant la trentaine. D’autres, ne pouvant ou ne voulant se rendre compte du temps qui passe, essayent de prolonger les années de fête indéfiniment. J’en ai connu qui ne sont entrées dans la phase de révélation qu’à la quarantaine passée — trop tard pour avoir des enfants, mais pas trop tard pour bénéficier de la sécurité économique offerte par un brave type qui ne se doute même pas qu’il mériterait mieux.
À partir de la trentaine, la plupart des femmes sont à la recherche de sécurité. C’est aussi la période où les hommes sont assez avancés dans leur vie professionnelle pour que leur capacité de fournir cette sécurité soit facilement évaluable par les femmes. C’est aussi pour cela que, dans la majorité des couples, l’homme est un peu plus âgé que la femme : sa situation plus accomplie en fait un partenaire intéressant pour elle, tandis que pour lui la jeunesse relative de sa compagne la rend désirable. Cependant, toutes les trentenaires ne parviennent pas à trouver l’homme capable d’apaiser leur anxiété de sécurité : soit parce que leurs exigences restent trop élevées, soit parce qu’elles se montrent assez déplaisantes avec les timides prétendants pour les faire fuir. Naturellement, elles blâment les hommes de leur « peur des femmes indépendantes » et de leur « refus de l’engagement ». Les plus obstinées décrètent l’amour hétérosexuel ringard et emménagent avec une autre femme, mais généralement pas pour très longtemps.
Si la saga de l’hypergamie s’arrêtait là, beaucoup d’hommes seraient tout à fait heureux de se dévouer jusqu’au restant de leurs jours à leur famille, pardonnant sans rancœur les probables frasques de jeunesse de leur femme — et même, parfois, l’enfant de l’alpha qu’ils ont accepté d’élever pour avoir à leur tour une chance d’avoir une descendance. Hélas, si leur « partenaire » reste physiquement attirante, le feuilleton peut avoir une suite. Typiquement, une fois que leur progéniture est sortie de l’enfance, les femmes ressentent moins le besoin de sécurité. En revanche, elle ressentent de plus en plus l’ennui de vivre avec un compagnon prévisible et le regret de ne pas avoir eu mieux : un homme réellement excitant. Elles éprouvent la nostalgie de leurs années de fête, et pour peu qu’elles se perçoivent comme désirables peuvent avoir sérieusement envie de retourner sur le marché. Cela peut donner selon les cas : un divorce, une séparation informelle, ou pire : un adultère permanent accepté par le cocu dans l’espoir de garder sa famille et au moins (croit-il) le cœur de sa femme à défaut de son corps. Quant aux femmes qui n’ont plus le potentiel de retourner sur le marché de la séduction, la résignation à garder leur compagnon utile mais dédaignable s’accompagne souvent d’un ressentiment croissant contre lui : exigences en hausse, sexe en baisse, mépris. Plus il essaiera de réparer la relation en redoublant de soumission, plus sa femme lui en voudra d’être un bon serviteur, l’absolu contraire d’un homme capable de la rassurer. Car l’alpha apporte paradoxalement une autre forme de sécurité, plus primitive et plus viscéralement désirable : il incarne l’homme capable d’affronter tous les dangers, même les plus improbables dans cette époque anormalement sûre et policée.
Comme les autres phases de l’hypergamie, ce développement n’est pas inéluctable. Il se peut que le trentenaire choisi pour sa bonne situation et son amabilité ait mûri personnellement au cours des années. S’il a progressé dans sa carrière tout en se forgeant un caractère plus affirmé, sa valeur peut augmenter aux yeux de sa femme. Plus viril dans ses comportements et toujours fiable économiquement, il représente un excellent compromis entre les deux exigences de l’hypergamie. Sa femme se flatte d’avoir su détecter son potentiel masculin quand ça ne se voyait guère, et ses amies la félicite d’avoir su transformer ce garçon en homme.
Le moment de la phase de développement est aussi très variable. Chez une femme mariée jeune, comme cela arrive encore dans certains milieux conservateurs, le regret de ne pas avoir profité des années de fête pour trouver un garçon supérieurement désirable peut venir plus vite et plus fort. Les hommes de tels milieux sont stupéfaits lorsque leur épouse si sage et religieusement éduquée décide de divorcer. On leur avait promis que s’ils épousaient « une femme bien » dans leur communauté, ils pourraient se contenter d’être de bons maris et tout irait bien jusqu’à la mort. Il n’y a pas de « femme bien ». Certaines sont mieux que d’autres, mais elles sont toutes habitées par le même instinct sexuel. Tout comme les hommes sont individuellement différents de milieu, d’éducation, d’expérience et de caractère mais partagent tous le même désir fondamental pour les femmes exhibant l’ensemble des signes de fertilité que nous appelons « la beauté ».
À l’approche de la cinquantaine, la désirabilité de la plupart des femmes est trop faible pour leur laisser l’espoir de séduire un homme de valeur, quelle que soit la définition de cette valeur. Même les rares femmes qui ont encore des atouts à cet âge savent qu’elles effectuent leur dernier tour de piste. Celles qui ont un mari ou un compagnon s’efforcent de le garder. Celles qui n’ont qu’un chat lui donnent du lait et des croquettes. Leur quête hypergamique a atteint son terme, qu’elle ait été fructueuse ou non.
Ce billet est ma propre synthèse de la chronologie de l’hypergamie élaborée par Rollo Tomassi. On peut se plonger davantage dans les détails en lisant la traduction en quatre parties de son essai « Traitement préventif » : 1, 2, 3, 4.